Le sabbat... et notre dimanche ?

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6,6-11.
Un autre jour de sabbat, Jésus était entré dans la synagogue et enseignait. Il y avait là un homme dont la main droite était paralysée.
Les scribes et les pharisiens observaient Jésus afin de voir s'il ferait une guérison le jour du sabbat ; ils auraient ainsi un motif pour l'accuser.
Mais il connaissait leurs pensées, et il dit à l'homme qui avait la main paralysée : « Lève-toi, et reste debout devant tout le monde. » L'homme se leva et se tint debout.
Jésus leur dit : « Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien, ou de faire le mal ? de sauver une vie, ou de la perdre ? »
Alors, promenant son regard sur eux tous, il dit à l'homme : « Étends ta main. » Il le fit, et sa main redevint normale.
Quant à eux, ils furent remplis de fureur et ils discutaient entre eux sur ce qu'ils allaient faire à Jésus.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris


Serait-il interdit, le jour du sabbat, de faire du bien ou de sauver une vie ? La question du sabbat, du jour consacré à honorer le Seigneur, va devenir le point centra de l'opposition entre les scribes et les pharisiens, et Jésus.

Mais, cette fois, je me pose une question plus actuelle: faisons-nous le bien ou le mal le dimanche ? Je pose cette question du fait de ce que je viens de vivre au cours du dernier dimanche. Le dimanche est devenu un jour de commerce pour tous: j'ai découvert, hier, pas moins de cinq marchés aux puces le long des routes et sur les parkings vides des supermarchés. C'est que "la rentrée" est commencée - et de même que nombre de fidèles ne se sont pas rendus à l'église durant les vacances (toute une heure, à l'église, alors qu'y a tant à faire un dimanche matin en vacances !), de même, après avoir dépensé beaucoup pour les loisirs, il faut maintenant de l'argent pour les fournitures scolaires: alors, c'est marché pour tout le monde ! Et finalement, ce sont tous les dimanches de l'année où de nombreux fidèles éteignent leur réveil, se retournent dans le lit et disent: çà sera pour la semaine prochaine... mais c'est ce mois-ci que le diocèse va devoir choisir cinq nouvelles églises qui seront fermées, faute d'entretien, mais aussi parce que les subsides de l’État belges sont alloués désormais en fonction du nombre de fidèles les jours de culte (cinq nouvelles églises vont donc fermer, et trois nouvelles mosquées vont être ouvertes).

Le jour du sabbat nous concerne aussi. le dimanche est notre jour de repos. Et pas seulement un jour de repos, mais un jour pour briser les chaînes qui entravent dans le monde notre marche vers le Père ; un jour pour que les membres d'une même famille se rencontrent ; un jour pour remettre en question nos choix ; un jour pour appeler ses amis ; un jour pour rendre visite ; un jour pour découvrir un bon livre ; un jour entretenir ses talents (musique, dessin, écriture, etc.) ; un jour pour prendre des résolutions, etc.

J'ai lu récemment un texte où l'on dit que les péchés de l'Eglise sont principalement ceux des prêtres. Eh bien, je ne suis pas d'accord : il y a, aussi les péchés des fidèles ! Au cour de l'homélie de ce dimanche, notre célébrant a tout d'abord parlé de la correction fraternelle, qui est une chose très délicate à pratique, il y faut une très grande humilité ; mais ensuite, il a insisté sur ces simples mots de Jésus qui disait : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux ». Il est important que les couples prient ensemble. Il est important que des frères et sœurs prient ensemble.
Si l’Église a pu résister au pouvoir de Rome durant des siècles, c'est du fait de sa capacité d’adoption aux divers régimes où elle s'est implantée. Mais les familles chrétiennes s’entraidaient.

Dans un pays tel que le mien, où les cohabitants sont pénalisés du point de vue fiscal, nombre de couples choisissent de ne plus vivre sous le même toi – et combien de ces couples ne se sont-ils pas défait ! Or, chez nous, dans notre famille, il a été décidé en famille, et en prière, de ne pas suivre cette Loi car nous l'avions jugée antichrétienne, son but étant clairement d'affaiblir l’Église. Nous avons donc vécu 'pauvrement' : il n'y avait pas de la viande à table chaque jour ; nous n'avions qu'une voiture ; ce n'est qu'au plus fort de l'hiver que la chaudière était allumée ; nous n'allions en vacances qu'une fois l'an, etc. Mais notre famille a traversé les années et la solidarité est demeurée – je le dis en ce qui me concerne, en tout cas : car même si l'un des membres de ma famille ne veut plus me rencontrer, je reste solidaire en souffrant de son absence.

Puissions-nous donc célébrer de nouveau « notre » sabbat comme étant l'un de ces petits traits de la Loi « qui ne passera pas avant que tout soit accompli.

Le chrétien est comme le petit doigt dans la main. Isolé il n'a aucune puissance. Mais si je tape du poing sur la table, la force du petit doigt est multipliée car il se tient près des autres doigts.

Je cite l'épitre aux Hébreux: "N'abandonnez pas votre rassemblement (je comprends: lieu de Culte) comme certain ont coutume de le faire..." (Hébreux 14v25)

Déjà à l'époque... !

Moi qui m'imaginait que l'abandon des célébrations eucharistiques et des sacrements n'étaient apparus dans l'Eglise qu'après mai 68... décidément, les hommes ne changent pas beaucoup quand il s'agit des erreurs...

On est là au coeur de la lutte du bien contre le mal. Lutte intérieure, au coeur même de l'Homme, qui combat ses pulsions et ses mauvais penchants... ça renvoie au fil sur l'imitation du Christ qui vous avez commenté, Guillaume (au passage, je vous souhaite la bienvenue!). Et aussi, lutte extérieure, qui doit se manifester par l'assiduité priante en communauté, par la présence à la messe qui est base et fondation à une certaine exemplarité vécue (et non plaquée orgueilleusement sur nos comportements) et donc, humble, confiante et patiente.

Le pont entre ces deux axes du combat, c'est ce devoir de soutien et d'aide à nos frères pécheurs. C'est ce dont vous parlez, Boisvert et qui a été abordé in extenso à la messe de ce dimanche. Entraide fraternelle, qui porte le combat contre le démon vers nos proches, nos frères chrétiens... ou pas. Entraide qui ne peut être le fruit que de ce combat intérieur, aboutissant à une rupture avec la passivité et le désengagement qui sont la règle, dans notre société individualiste. Bref, se mouiller en disant les choses à l'Autre. Risquer la souffrance, l'incompréhension, la colère ou le déni de cet Autre... risquer cela par Amour, pour aider à lever les obstacles à un bonheur plus complet et plus intense.

Cet été, j'ai eu quelques difficultés avec certains membres de ma famille chez qui nous avons séjourné, avec ma femme et mon fils. Le soulagement du départ était tel que j'étais ravi de mettre tous ces comportement désagréables, ces principes qui nous ont étés imposés et dont nous avons souffert, derrière, loin derrière. Oublier et passer à la suite : "ouf, c'est fini... si ils veulent vivre comme ça, même si je trouve ça malsain et que je vois bien qu'ils en souffrent (sans nécessairement le savoir), c'est leur choix". Puis ce dimanche, j'ai compris que ma satisfaction venait de ma lâcheté, de ma fuite face à tous ces membres de ma famille, qui sont persuadés d'avoir raison.
"N'abandonnez-pas votre rassemblement"... je l'entends aussi comme "vos proches", la communauté dans laquelle s'inscrivent vos liens affectifs. Même si c'est plus compliqué et douloureux (à court terme) que le silence et le désintérêt.