Hélène Administrateur
| Sujet: Homélie pour la Sainte Famille Dim 31 Déc 2006 - 12:34 | |
| - Citation :
- Trois jours de recherche anxieuse, aboutissant à une découverte déconcertante, accompagnée d’une parole énigmatique : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? » N’est-il pas normal pour des parents de s’inquiéter de la disparition de leur enfant ? « Ne le saviez-vous pas ? », insiste l’adolescent ; on a du mal à imaginer Jésus faisant à ses parents le mauvais coup de disparaître sans rien dire : il avait du les avertir de l’une ou l’autre manière, mais eux n’avaient « pas compris ce qu’il leur disait : “C’est chez mon Père que je dois être” ». Jésus enfant avait déjà révélé, par la parole et ses attitudes concrètes, l’orientation fondamentale de toute sa vie : il vient d’auprès du Père, et c’est vers lui qu’il retourne, entraînant à sa suite tous ceux qui aurons cru en lui, c'est-à-dire tous ceux qui auront reconnu en lui le Bon Berger venu rassembler les enfants dispersés de Dieu son Père, pour les introduire dans la demeure de son Amour. Au matin de Pâque, au terme de trois jours de recherche angoissée, une autre Marie s’entendra dire les mêmes paroles : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jn 20, 17).
Pourtant l’Emmanuel, Dieu-avec-nous, n’a nullement l’intention de nous quitter : tout en remontant vers le Père, le Ressuscité demeure avec nous « pour toujours, jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Les Anges de la résurrection renvoient d’ailleurs les disciples en Galilée (Mt 28, 7), là où le Seigneur leur avait donné rendez-vous avant d’entrer dans sa Passion ; mais eux non plus, « n’avaient pas compris ce qu’il leur disait ». Le parallélisme entre les deux situations est trop évident pour ne pas les mettre en relation : descendant avec Marie et Joseph « pour rentrer avec eux en Galilée à Nazareth », l’Enfant Jésus anticipe le parcours du Ressuscité. Le Fils unique élevé à la droite du Père, descend habiter nos Nazareth pour apprendre à tous ceux qui « ont foi en lui », à vivre en fils et filles de Dieu ; car « le Père a voulu que nous soyons appelés ses enfants - et nous le sommes » (2nd lect.). C’est dans nos Galilées quotidiennes que par l’Esprit, le Christ nous apprend, jour après jour, à « nous aimer les uns les autres, comme il nous l’a commandé » (Ibid.). Or dans la Bible, le couple et la famille sont le berceau de l’amour. Dès les origines, la différence sexuelle est inscrite par Dieu au cœur de l’humanité afin que puisse s’éveiller l’amour au cœur de l’homme et de la femme ; ils pourraient ainsi pressentir le bonheur pour lequel le Seigneur les a créés et dont il espère pouvoir les combler dans l’Esprit. Certes, le péché a mis en cause ce projet, mais Dieu ne se laisse pas vaincre par le mal : en épousant la condition humaine, il révèle l’archétype de toute relation nuptiale : « L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise » (Ep 5, 31-32). Par sa croix, Jésus a réconcilié les hommes avec Dieu et leur a ouvert à nouveau la voie du « bel amour » (Jean-Paul II) : dans l’Esprit Saint qui est descendu sur eux au moment de la bénédiction nuptiale, les époux sont à nouveau rendus capables de s’aimer d’un amour qui les sanctifie « puisqu’il leur a donné son Esprit » (2ème lect.). L’antienne d’ouverture de la liturgie de la fête de la Sainte Famille nous le rappelle : « Les bergers vinrent en hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph avec le nouveau-né couché dans une crèche » ; en naissant au sein d’une famille humaine, le Fils de Dieu a élevé celle-ci à une extraordinaire dignité. Par ce choix, le Seigneur non seulement confirmait le mariage comme « sacrement primordial » (Jean-Paul II), mais il l’intégrait dans l’économie de l’Incarnation rédemptrice. A la lumière de la Sainte Famille de Nazareth et du mystère de la Rédemption, le mariage est redevenu l’école où le Père lui-même enseigne à ses enfants la logique de l’amour. « Heureux les habitants de ta maison Seigneur : ils pourront te chanter encore ! (Ps 83). Cette vision du mariage peut paraître bien idyllique, et par le fait même peu réaliste. Mais la garantie de l’assistance de l’Esprit ne signifie en rien que les épreuves soient épargnées aux époux chrétiens. Marie et Joseph eurent largement leur part à porter comme nous pouvons le pressentir à travers le récit relaté par l’Evangile de ce jour. Certes leurs épreuves ne furent sans doute pas du même ordre que celles qu’ont à traverser nos familles chrétiennes au cœur d’un monde qui met en cause l’institution familiale dont il ne reconnaît plus le caractère sacré. Mais le Seigneur redit aujourd’hui à tous ceux qui font la douloureuse expérience de l’impuissance et du désarroi devant la dérive de la famille, au point de se sentir abandonnés par Dieu : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être ». A travers ces paroles déconcertantes, Notre-Seigneur nous invite à réorienter notre recherche : ce n’est probablement pas parmi « nos parents et nos connaissances » que nous trouverons les encouragements que nous cherchons pour pouvoir persévérer sur le droit chemin malgré les vents contraires ; mais c’est dans le Temple de l’Eglise, à l’écoute de la Parole, que nous puiserons la force de la fidélité : « Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur » (Ps 83). Comme Marie, nous sommes invités à « garder dans notre cœur tous ces événements », afin de grandir nous aussi, sinon en taille, du moins « en sagesse et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes ».
« Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple ; mais tu sais combien de nos jours l’institution familiale est malmenée. Accorde ta grâce aux époux chrétiens, afin qu’ils trouvent en toi la force de pratiquer les vertus familiales qui fleurissaient à Nazareth. Qu’unis ici bas par les liens de ton amour, ils se retrouvent un jour pour une éternité de bonheur, dans la joie de ta maison » (cf. Or. d’ouvert.).
Père Joseph-Marie | |
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