La violence conjugale

Oeuvrant dans une maison d'hébergement pour femmes immigrantes victimes de violence conjugale, je suis particulièrement sensible à cette cause... qui ne va pas en s'améliorant dans nos sociétés. Je vous propose un reportage présenté hier dans le cadre de l'émission "Enjeux" à Radio Canada. Vous pouvez visionner la vidéo (en 4 parties) ici : http://www.radio-canada.ca/actualite/v2/enjeux/niveau2_10789.shtml

Ce que je trouve malheureux dans ce reportage est le manque de nuance dans les propos de cette psychologue qui affirme que lorsqu'une femme quitte son conjoint violent, son calvaire ne fait que commencer et que sa vie est encore plus en danger que lorsqu'elle était avec lui...c'est dommage qu'elle n'ait pas balancé par des propos rassurants tels que : mais elle peut s'en sortir, il y a de l'aide, elle doit le dire, dénoncer, etc. Car sincèrement, si j'étais une femme dans une situation pareille et entendant cela, je n'oserais pas quitter mon bourreau de peur qu'il m'assassine. Cela n'incite pas la femme à lui donner le courage de s'en sortir mais l'invite à rester dans cette situation invivable pour éviter que monsieur devienne incontrôlable et qu'il la poursuive jusqu'à la mort.

Hélène

La violence conjugale a toujours été pour moi une source de peur, de peine pour ceux qui le vivent. Parfois nos proches en sont victimes et on ne peut strictement rien faire.

Il y a environs 15 ans de cela, une dame qui travaillait avec moi était souvent victime de violence de la part de son conjoint qui était également mon patron. Nous n'étions pas proche l'une de l'autre mais un soir quelqu'un frappa brusquement avec insistance à ma porte. Lorsque j'ouvris, j'ai vu une femme qui avait été sauvagement battue, enceinte de 8 mois et pleurant à chaudes larmes. Elle était tellement défigurée que je ne la reconnaissait même pas, c'était ma copine de travail. Elle ne voulait pas porter plainte aux autorités, refusait d'aller à l'hôpital, bref elle ne faisait confiance qu'à moi. Je l'ai donc hébergée durant plusieurs semaines et je lui ai apporté les premiers soins, le réconfort et de l'aide pour qu'elle s'enfuie de chez elle. Elle me donna les clefs de l'appartement qu'elle partageait avec son mari, logement qui était situé juste au dessus du bar restaurant où l'on y travaillait elle et moi. Lorsque j'ai eu confirmation qu'il s'était absenté pour le reste de la journée, je suis entrée en douce chercher tous ses effets personnels, j'ai eu la peur de ma vie.

Je fût fort surprise qu'elle se réfugie chez moi, nous nous connaissions si peu. Il m'était également difficile d'entrer au travail, de répondre à son mari lorsqu'il m'interrogeait à savoir si j'étais au courant où était sa femme. Je devais feindre l'ignorance. J'avais vraiment peur.

La violence conjugale ne devrait pas exister, aucune personne ne devrait supporter un tel martyr. C'est ignoble.

Merci Lisette pour ce témoignage...

C'est triste. Surtout qu'il y a 15 ans, cette chose était encore tabou. Il y a 15 ans, la femme était considérée non pas comme victime mais comme responsable de son sort. Si elle était violentée, c'est "qu'elle avait couru après pour mettre monsieur en colère". C'est encore hélas dans les consciences de certains. Nous commençons à peine à recevoir la reconnaissance du problème et la coopération aux instances concernées (police, avocats, juges, etc.).

Notre maison d'hébergement existe depuis 19 ans et nous sommes l'une des premières pour accueillir les femmes victimes de violence conjugale. Des histoires comme celles-ci sont le lot de notre quotidien.

L'idéal serait que monsieur reconnaisse qu'il a un problème (comme un alcoolique ou un toxicomane) afin de pouvoir suivre des thérapies. Mais les cas d'hommes qui reconnaissent leur problème et qui veulent travailler sur eux-mêmes et cesser de rendre la femme coupable de leurs agissement sont encore plus rares.

Justement, dernièrement nous avons visionné une vidéo sur la violence conjugale dans les couples immigrants. Nous avons été choqués de voir l'approche masculiniste qui justifiait le comportement de l'homme pour des raisons de manque de travail, découragement, difficulté d'intégration à la société québécoise, etc. Cela voudrait dire que selon la situation, la violence et la frustration du mari tournée vers son épouse est correcte et justifiable ?

Connais-tu la suite de l'histoire de cette femme que tu as hébergée ? Sais-tu ce qu'elle est devenue ? Est-elle retournée avec lui ?

Cordialement,
Hélène

Bonjour Hélène,

Non, elle n'est pas retournée avec lui. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles d'elle par la suite car elle était persuadée que son mari avait su que je l'avais hébergée. Je n'ai reçu que de brèves nouvelles d'elle par la suite de la part de collègues de travail qu'elle avait mis au courant. Semblerait-il que son mari se doutait de la connivence entre elle et moi.

Il y a quelques mois à peine, j'ai vu son mari sur les avis de décès. Le nom de sa femme n'apparaissait nulle part parmis les gens qu'il laissait dans le deuil.

Citation :

Drame familial à Beaconsfield
Une femme et deux enfants retrouvés morts
LCN

Trois personnes, dont deux enfants, ont été tuées par balles samedi matin dans une résidence de Beaconsfield, dans l’ouest de l’île de Montréal.
Le drame familial est survenu vers 11h, alors que la centrale 911 reçoit un appel de détresse pour une résidence du croissant Woodside.

Les victimes sont une femme âgée de 40 ans, Mila Yoynova et ses deux filles Eva 17 ans et Alice 10 ans.

Un homme aussi dans la quarantaine, le père de famille, a tenté de s’enlever la vie. Il est dans un état critique à l'hôpital.

Les gens du secteurs étaient stupéfaits d’apprendre la nouvelle, puisque rien ne laissait présager la tragédie qui a frappé la famille sans histoire.

Citation :

Notre-Dame-de-Grâce
Poignardée à mort par son ex
Daniel Renaud
Le Journal de Montréal

Tous les matins, Melissa McDonald entrait à la garderie Nif Naf du quartier Notre-Dame-de-Grâce, où son sourire et sa bonne humeur étaient contagieux auprès de tout le monde, collègues et enfants.

Mais hier matin, contrairement à son habitude, la femme de 32 ans n'est pas rentrée au travail et n'a pas téléphoné.

Inquiète, sa patronne, Pascale Kadoch, s'est rendue chez elle et est arrivée en même temps que les policiers, qui lui ont appris la terrible nouvelle.

«Ça me fait énormément de peine. On lui avait déjà dit. Elle était trop naïve, trop gentille», laisse-t-elle tomber tristement.

Obsédé

Selon Mme Kadoch, Melissa McDonald, a eu une relation tumultueuse avec le suspect, un certain Christopher, durant environ cinq ans.

Mais il y a deux semaines, elle a mis fin à la relation et s'était même fait un nouvel ami, ce qui aurait accentué davantage la colère de l'ex-conjoint qui, selon Mme Kadoch, était intimidant envers la jeune femme depuis environ un an déjà.

«Il l'appelait tout le temps. Il est même venu ici une fois. Il était obsédé par elle», raconte Mme Kadoch, selon qui le suspect a déjà arraché le fil du téléphone pour ne pas que Melissa McDonald appelle à l'aide.

«Elle avait peur. Elle le disait à tout le monde. Il lui disait qu'il allait les tuer, elle et son nouvel ami», ajoute-t-elle.

«On lui disait d'appeler la police, mais elle ne pensait pas qu'il allait le faire», poursuit la directrice de la garderie.

Melissa McDonald s'occupait de huit enfants d'un an et demi à la garderie. Elle était très appréciée des parents, qui n'hésitaient pas à l'employer comme gardienne à la maison, les fins de semaine.

Pourquoi tant de violence envers des êtres plus fragiles ? Ce sont des martyrs de notre temps. Qu'est-ce qui pousse un homme (apparemment sans histoire) à tuer sa femme et ses enfants par un geste d'une violence inouïe ? Que se passe-t-il chez ces hommes ? Qu'est-ce qui leur a manqué pour en arriver là ?

Il y a une autre violence conjugagle qui ne fait pas de bruit et ne porte pas de coups : l'indifférence....

nelly emont a écrit:

Il y a une autre violence conjugagle qui ne fait pas de bruit et ne porte pas de coups : l'indifférence....

Oui...c'est vrai. Il y a certains silences qui sont morbides. Il y a aussi la violence verbale et sociale (cette dernière qui consiste à rabaisser l'autre devant les invités)... ces violences tuent à petit feu et ne sont pas forcément visibles.

Une amie m'a envoyé un diaporama ce matin, ça s'intitule " J'ai reçu des fleurs aujourd'hui ". Je le partage avec vous.

J'ai reçu des fleurs aujourd'hui...

J'ai reçu des fleurs aujourd'hui ce n'était pas mon anniversaire ni un autre jour spécial.
Nous avons eu notre première dispute hier dans la nuit et il m'a dit beaucoup de choses cruelles qui m'ont vraiment blessées.
Je sais qu'il est désolé et qu'il ne voulait pas dire les choses qu'il a dites parce qu'il m'a envoyé des fleurs aujourd'hui.

J'ai reçu des fleurs aujourd'hui.
Ce n'était pas notre anniversaire ni un autre jour spécial.
Hier, dans la nuit, il m'a poussé contre un mur et a commencé à m'étrangler.
Ça ressemblait à un cauchemar, je ne pouvais croire que c'était réel.
Je me suis réveillée ce matin le corps douloureux et meurtri.
Je sais qu'il doit être désolé car il m'a envoyé des fleurs aujourd'hui.

J'ai reçu des fleurs aujourd'hui et ce n'était pas la fête des mères ni un autre jour spécial.
Hier, dans la nuit, il m'a à nouveau battu, c'était beaucoup plus violent que les autres fois.
Si je le quitte, que deviendrais-je ?
Comment prendre soin de mes enfants ?
Et les problèmes financiers ?
J'ai peur de lui mais je suis effrayée de partir.
Mais je sais qu'il doit être désolé car il m'a envoyé des fleurs aujourd'hui.

J'ai reçu des fleurs aujourd'hui.
Aujourd'hui c'était un jour très spécial, le jour de mes funérailles.
Hier, dans la nuit, il m'a finalement tué.
Il m'a battu à mort.
Si seulement javais trouvé assez de courage pour le quitter, je n'aurais pas reçu des fleurs aujourd'hui.

Ça me rappelle le cycle de la violence... que vous pouvez apprendre à connaître sur le site de la Maison d'hébergement où je travaille : http://www.maisonfloratristan.com/Intervention/page2.htm

Lune de miel, escalade de violence, culpabilité, explosion, lune de miel, escalade de violence, culpabilité... mais dans cette histoire que tu racontes, la lune de miel n'a pas duré longtemps...

Il y a justement un colloque sur la violence faite aux femmes à Montréal présentement. Selon les statistiques de l'OMS, un tiers des femmes dans le monde auraient subit une forme de violence dans sa vie : agression psychologique, physique ou sexuelle... c'est beaucoup de souffrances un tiers des femmes...

Une vidéo de Nicola Ciccone sur la violence conjugale.
https://www.youtube.com/watch?v=HKjdJi6Y2wI

L'actrice, Lucie Deslauriers (la jeune femme), dans la vidéo a déjà été victime de violence conjugale.