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 Prof de sociologie...

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3 participants
AuteurMessage
Hélène
Administrateur
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Hélène



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MessageSujet: Prof de sociologie...   Prof de sociologie... Icon_minitimeMer 19 Jan 2011 - 21:56

Mon prof de sociologie du travail prend le roman "Le nom de la rose" d'Umberto Eco pour une référence historique ! Au secours... Dan Brown tant qu'à y être est historien. Pfsss... on parle des HEC, haut lieu du savoir. Chacun son domaine. Tous ne sont pas historiens. Il faudrait qu'il s'en tienne à son champ de compétence, la sociologie, plutôt que d'utiliser la tribune qui lui est offerte pour régler ses comptes avec la méchante Église.

Message envoyé à mon prof par courriel :

Bonsoir M. xxxxxxxx,

Je commence par vous dire tout mon intérêt pour le cours de Sociologie que vous donnez les mardis soirs. J'ai été toutefois très étonnée (pour ne pas dire ahurie) hier soir que vous citiez le roman d'Umberto Eco "Le nom de la rose" comme un exemple d'historicité pour le Moyen âge. Ayant une formation universitaire en Histoire de l'art et m'intéressant en particulier à l'Histoire, la philosophie et la théologie depuis de nombreuses années, j'ai été inquiète que ce genre d'ouvrage - qui est après tout un roman, une fiction - devienne une source d'historicité "valide" particulièrement dans un milieu universitaire, le haut lieu du savoir. Avec tout le respect que je dois à Umberto Eco, sémiologue éminent, il faut dire qu'il aurait dû s'en tenir à son champs de compétence pour le coup du Nom de la rose et ou insister pour affirmer qu'il s'agit d'une fiction et non de faits réels. Non pas que je n'apprécie pas une bonne intrigue à la sauce "théorie du complot danbrownienne ou costagavratienne" mais de là à en faire des références historiques crédibles, je décroche.

Je vous invite à lire les ouvrages de Jean Sévillia, particulièrement "Historiquement correct" : http://www.amazon.fr/Historiquement-correct-finir-pass%C3%A9-unique/dp/2262017727

Présentation de l'éditeur : "L’historiquement correct part du présent pour juger le passé. Dans cet état d’esprit, l’histoire n’est plus un objet d’étude serein. Elle devient un écran où se projettent toutes les passions contemporaines. L’historiquement correct pratique l’anachronisme (les événements d’hier sont évalués selon les critères d’aujourd’hui, et non sur les valeurs qui avaient cours à l’époque) et porte des jugements manichéens, le Bien et le Mal étant estimés à l’aune d’aujourd’hui. Ces vues simplistes, trop souvent relayées par la vulgarisation scolaire ou médiatique, faussent la complexité de l’histoire. En histoire, le mal n’est pas toujours où l’on dit, le bien n’est pas toujours où l’on croit".

L'histoire est un champs de compétence qui demande énormément d'honnêteté intellectuelle donc de recherche de faits réels non de ce que nous pensons selon nos schèmes et nos préjugés sur le passé ou de ce qu'un roman peut imaginer du passé. Il faut savoir prendre une distance de nos passions pour ne nommer que des faits avérés provenant de sources sûres et crédibles. L'internet, les médias et la littérature en général regorgent de mythes fantasmagoriques sortis droit de l'imaginaire collectif sur l'Histoire sans jamais citer les sources (ce qui en histoire est inadmissible) bibliographiques. L'Histoire doit être, il me semble, une science objective. Je me méfie au plus haut point des idées toutes faites véhiculées ici et là dans les médias et la littérature à la sauce intrigue scandaleuse. Surtout que chaque époque se réclame d'être plus lumineuse que celle qui la précède (l'Antiquité avant le Moyen Âge, la Renaissance surpassant l'obscurantisme du Moyen Âge, les Lumières surpassant l'époque classique, la Révolution tranquille surpassant la "grande noirceur". Chaque époque prétendant avoir inventé le monde et surpassé l'obscurantisme du précédent. Or, je ne suis pas certaine, en constatant l'état du monde, que nous soyons si brillant que ceux qui nous ont précédés... et on se demande certains jours où est vraiment l'obscurantisme dans l'Histoire de l'humanité.

Je vous remercie de m'avoir lu.

Hélène Bourgeois
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MessageSujet: Re: Prof de sociologie...   Prof de sociologie... Icon_minitimeJeu 20 Jan 2011 - 4:19

Pauvre Hélène, je vous comprends! No
J'ai eu maille à partir moi aussi avec certains enseignants qui, de parti pris, s'embringuaient ainsi dans des certitudes erronées en y fourvoyant leurs élèves.

Vous avez bien écrit et j'espère que bientôt, le rameau portera ses fruits! sunny
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DamienH
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DamienH



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MessageSujet: Re: Prof de sociologie...   Prof de sociologie... Icon_minitimeJeu 20 Jan 2011 - 4:54

Belle lettre, au ton mesuré, malgré l'ampleur de l'égarement du professeur, qui devrait à l'inverse tenir lieu de référence, d'expert...

Citation :
mythes fantasmagoriques sortis droit de l'imaginaire collectif
Je crains que ce soit plus profondément ancré que cela. Et même que la dynamique de ce type "d'idée" (au sens platonicien) soit inversée. Tu présentes les mythes et fantasmagories comme une production émanant de l'humain, de l'humanité prise comme totum. C'est bien l'apparence que ça en a, mais ça ferait de cette digression un objet fait pat l'Homme, porteur d'erreur et de fausses représentations. SI c'était le cas, il suffirait d'éclairer l'objet en question, le fantasme erroné structuré comme un fait, de la lumière de la vérité objective pour que cesse le fourvoiement. Or, on le vit tous, ce n'est jamais le cas.

Je rejoins donc Jung, et son approche par l'archétype. Les théories du complot semblent reposer sur l'archétype de l'Adam déchu : le pouvoir, le système supérieur qui norme nos vies, se réserverait toujours la part du lion. Le pauvre humain serait ainsi voué à être victime, d'un point de vue identitaire, d'ou la saine rébellion, le doute face à tout système normatif organisé. L'église tenant le pompon dans le domaine de la cristallisation de ces perceptions. Pour Jung, ces idées, ou archétypes, existent hors de l'homme, avant l'homme en quelques sortes. Et ces archétypes ne sont pas des objets, mais presque des sujets, car ils possèdent leur dynamique propre et sont autonomes. Ils n'attendent que de se saisir, d'entrer dans la réalité incarnée. Et ils "font" cela à toute échelle : tant dans la psyché collective, émaillant l'histoire de clichés redondants, que dans la psyché individuelle (on peut être sasi, possédé par un archétype, non produit par "nous"). C'est ce qui semble arriver à ton prof, chère Hélène : l'archétype provoque une précipitation des idées, de l'énergie et des événements dans a forme pré-existante, comme un entonnoir qui conduirait à un moule à gateau. Là, ton universitaire participe à l'entonnoir, il le co-constitue, car il est dominé par la nécessité du moule. Or dans ce cas, cette nécessité, ce fantasme qui amène à remplir peu à peu le moule à gâteau est à la fois social ET personnel. La preuve, le fait qu'il se mette inconsciemment en danger sur le plan social (professionnel) en usant de références pour le moins sidérantes. Quelque chose en lui est dominé, à tous les étages de ce qui le constitue, par cette idée dynamique autonome. Pour simplifier, ça vient de dehors (de lui et de l'humanité), mais ça fait puissamment écho dedans (en lui et dans la société). Il est échec et mat.

Je ne crois donc pas qu'il soit à même de bouger, car il n'est déjà plus libre, au vu de ses allégations. Non seulement il ignore ce fait, cet esclavage auquel il est inféodé, mais en plus, cela le rassure. Le seul moyen qu'il aurait de bouger, ce serait de se lancer dans une exploration de lui-même, de sa part d'ombre, pour être à même de définir mieux les contours de "ce qui est lui" et de "ce qui n'est pas lui". Phénomène d'individuation sans lequel il est impossible de savoir que l'on est "agi" par un archétype qui nous arrange bien...


(Et bravo à ceux qui ont lu tout ça jusqu'au bout, car il y a eu "lâchage" de ma part, sur des concepts pas très digestes...)


AIC,



Damien
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