Du libre échange sur Ephata

Je suis un garçon entier. Je peux être agacé. J'évite assez mal d'être dans le jugement. Tout ça ne me facilite pas le libre échange.

Les sujets que l'on discute ici sont des sujets impossibles. Dieu, la foi, la croyance... c'est un peu comme parler de ses goûts culinaires : nul ne peut avoir "plus raison" qu'un autre. Les précautions de langage et de forme lorsque l'on s'attaque à des sujets si volatiles et intimes doivent donc être extrêmes. La charte d'Ephata, anticipant de possibles dérives, est donc très claire là dessus, et les Dix commandements du forum en remettent une couche.

Mais voilà, je vois des sujets forts intéressants dévier. En effet, lorsque l'on parle du mariage des prêtres ou de la genèse, on parle de nos désirs d'humains, de nos origines, de nos relations à l'église, de notre place sur terre... et là on oublie bien vite que l'on en fait "que" échanger sur nos propres spéculations, sur nos vécus. Je sais que nos points de vues nous sont très chers, mais si l'on disserte sur le sexe des anges ou sur notre plat préféré, nul "c'est incompatible", nul jugements sur la justesse des idées ou l'étendue de l'imagination de celui qui parle ne peut être admise. Les jugements arrêtés sur le fond et les attaques sur la forme sont tout bonnement irrecevables.

J'écris ce sujet ici, car je refuse, après avoir donné mon point de vue (en y ayant posé d'extrêmes précautions introductives), je refuse d'entrer dans la ronde stérile des "c'est toi le méchant / non c'est toi / mais non, c'est toi qui a commencé... tout comme je refuse de poursuivre le dialogue, là ou il n'y en a pas, car le jugement a pris la pas.

J'ai donc cité deux thèmes auxquels je ne participerai plus, alors qu'ils sont passionnants. Ca m'attriste, non pas car j'ai des choses intéressantes à dire, mais car je reconnais là un mal que j'ai vu s'installer sur bien d 'autres sites, dans des réunions bien réelles, dans des entreprises : on oublie pourquoi on est là, et l'ego prend le pas. Le "on" m'incluant totalement dans cette remarque.

Et on est là pour discuter du sexe des anges avec comme référent "technique" l'Eglise. A mon avis, le premier qui a une affirmation, ou une contradiction définitive à faire à ce sujet est comme le premier auquel Jésus donna l'invitation de jeter la pierre : il devrait s'abstenir.
Sans cela, la femme adultère aurait fini en steak tartare. Sans cela, pas un sujet partagé ici ne finira dans l'ornière : les uns allant trop loin, et les autres s'abstenant de dire ce qu'ils pensent, vivent et ressentent, pour éviter de se prendre des coups. Alors que sur de tels sujets, il n'y a que cette matière qui vaut la peine d'être partagée.

Amitiés in Christo,


Damien

Bien cher Damien,

merci beaucoup pour ce message plein de votre sincérité naturelle et forcément très touchant.

Vous connaissez déjà, je crois, ma façon de voir dans ce domaine, mais ne pas vous donner de réponse m'aurait semblé peu fraternel, peu respectueux, comme si j'ignorais votre sentiment, délibérément.
Or, c'est tout le contraire : il me touche, alors, au risque de répéter ce que vous savez déjà, je développe mon opinion, moi aussi.

Nous sommes tous différents et il est vrai que, dans le Seigneur, c'est même toute la richesse de l'Église.
"Dans le Seigneur", écris-je.

C'est probablement pour cela que Saint Paul nous appelait à prier sans cesse, pour que nous soyons et demeurions dans le Seigneur, tout le temps.

Quand nous sommes en prière, nous ne tenons plus à emporter le bout de gras d'une conversation, nous serions même agacés que quelqu'un vienne nous déranger pour nous demander comment on fait les bébés quand on est un Ange, et si Adam avait des poils aux jambes, et combien il en avait en fonction de la valeur numérique des lettres de la Genèse.

Mais quand nous ne sommes plus en prière, nous pouvons avoir le "loisir" de recevoir ce genre d'interrogations, de les accueillir avec intérêt, d'y réfléchir et même d'argumenter savamment, dans la seule finalité d'avoir raison avec ou contre nos frères (souvent avec et contre, ce qui caresse notre égo dans les deux sens du poil : celui d'avoir raison, celui d'être soutenu par nos frères).

Nous ne sommes plus dans le Seigneur, nous n'avons plus le temps de prier, parce qu'autre chose attire tout notre être : la dissertation en cours et les enjeux que nos passions y placent.

Finalement, je crois que nous nous opposons souvent pour des illusions qui se dissiperaient bien vite à la lumière d'une prière véritable et profonde.

Nous nous attaquons par ailleurs assez souvent à des sujets qui nous dépassent, ne nous concernent que peu, ne nous élèvent sûrement pas et auxquels nos tirs fratricides de boulets rouges ne changeront rien, mais alors, rien.

Un forum chrétien, pour moi, n'est pas seulement un forum où l'on discute de "thèmes chrétiens", mais un endroit où les chrétiens réfléchissent ensemble, en priant, pour pouvoir trouver, ensemble, de bonnes réponses, depuis toutes les sensibilités différentes que, grâce à Dieu, nous avons tous.

Un forum où l'on s'écoute, où l'on se soutient les uns les autres, où lorsqu'un frère ou une sœur a besoin de réconfort, que ce soit parce qu'il est dans la peine, la souffrance ou la révolte, il ou elle le trouve.

Malheureusement, nous ne sommes pas parfaits : notre forum non plus.

Censurer certains sujets, finalement, ne serait pas non plus une solution : ils correspondent souvent à des inquiétudes, de véritables angoisses, même, quelquefois. Ils doivent donc être discutés.
Discutés, pas disputés.
Comment faire?

Alors voilà, Il me semble que la difficulté, sur un forum Internet, c'est qu'il n'y a pas de temps de "rencontre" dans le sens où, peut-être nous manque-t-il ce temps de prière commune, avant chaque discussion, qui nous permettrait de nous reconnecter, si je puis dire, avec notre Seigneur, Son Esprit, et, partant, avec nos frères.

Pour ma part, j'ai fait le choix de ne répondre que lorsque je me sens "en état" de le faire, mais j'avoue que je suis bien faible pour évaluer moi-même cette capacité. Je dois régulièrement lâcher des bêtises plus grosses que moi, malgré les précautions que je voulais prendre, manquer tomber de ma chaise, scandalisée que je suis pour un tout petit rien.

Tout ce qu'il m'est possible de faire, à mon échelle, c'est de prier avant d'écrire et de poster, prier pour que ce soit intéressant, que cela ait du sens, que cela soit respectueux.

Honnêtement, même avec ce prérequis, je me sens encore bien faillible.

Nous avions eu une idée, une fois, avez mon époux, pour désamorcer les disputes. Il aurait fallu qu'au milieu de la discussion qui s'envenimait, l'un de nous deux demande à l'autre :"Tu m'aimes quand même?"
Nous n'avons pas mis la chose en œuvre, mais l'idéal me plaît toujours. Pourquoi pas sur un forum, puisque nous sommes entre frères et sœurs?

Enfin, honnêtement, je n'ai pas trop de solution. Je veux juste marquer mon respect pour votre "sainte" révolte.

Régulièrement, je fréquente deux autres fora chrétiens. Mais l'esprit est très différent, les intérêts aussi et je crois que les règles de "vie" qui s'y trouvent en vigueur ne conviendraient pas ici, parce que les personnes sont différentes, tout simplement.

Mais bon, si quelqu'un a une idée, grâce à vous, cher Damien, nous trouverons peut-être la clef de cette énigme de la vie en "communauté virtuelle".

Encore merci pour votre message, et que la Paix et l'Amour du Christ soient avec nous pour que, tous ensemble, nous trouvions la bonne solution.

Merci bien chère soeur,

comme à votre habitude, une douceur surnaturelle (pour moi, au regard de mes capacités à être doux) émane encore de vos lignes. J'aimerai un jour trouver la source de cela... aujourd'hui, mon bâton de pèlerin me sert encore parfois à me battre. Je sais, c'est vain, et c'est cette attitude intérieure qui provoque les accrocs. Vous voyez, je suis encore bien loin de prier avant de poster!!

Après, la perfection d'un lieu d'échange n'est pas pour moi de niveler par le bas et de n'aborder que les thèmes consensuels. Bien au contraire, si on ne s'enrichit pas de nos différences, de nos désaccords, de nos oppositions, a quoi bon? Surtout quand notre thème, notre sujet, le liant de toutes les sauces de toutes nos conversations, c'est Dieu! Nous sommes des sourds tentant de distinguer un Mystère qui nous aveugle de sa lumière dès que l'on l'effleure. Comment ne pas être uniques dans notre lien à Ca? Comment en parler avec clarté, facilité? Qui peut se prévaloir de la moindre certitude?

C'est la beauté fragile de ce foisonnement qui est mise en péril par les jugements et les affirmations discriminantes. Même l'église ne s'approprie pas la lumière. Elle la reflète, la répercute.
Merci à vous d'être un de ces joyeux joyaux, un de ce scintillements constants!


Amitiés,


Damien

Bien cher Damien

Ce n'est pas un crime d'utiliser son bâton de pèlerin pour écraser la tête du serpent qui nous menace de la division, cette même division que ce laid reptile sait si bien instiller toujours à l'insu de tous.
Aucun de nous n'en est coupable, mais tous, le serpent nous menace sur ce chemin escarpé qui mène au sommet de la montagne sainte.
Votre vigilance m'a semblé toute fraternelle : ne vous méprisez pas pour cela.

Et c'est parce que j'ai cru discerner cette intention dans votre tendre révolte que je me suis permis de répondre, pour soutenir ce combat, avec mes armes à moi, à vos côtés. Combat qui n'est dirigé contre aucun de nos frères, aucune de nos soeurs, mais combat que, tous ensemble, nous devons mener de front contre celui qui n'a qu'un rêve : écarteler le Corps du Fils de Dieu.

Si d'aventure il se trouve un peu de douceur dans mon coeur, c'est que le Seigneur, par Sa Sainte-Mère, a bien voulu l'y déposer pour qu'elle soit utile à ceux qu'Il aime.
Moi, je ne la sens pas, venant de moi, mais si vous la trouvez, j'en suis heureuse.

Vous souffrez du moindre déchirement entre les membres du même Corps et seul un cœur tendre, fidèle au Coeur qui unit tout le Corps, peut en souffrir. Voilà pourquoi il m'a semblé que votre révolte était "sainte". Tout ce qui nous divise doit nous inspirer cette révolte, j'en suis certaine.

Alors moi, qui ai perdu depuis longtemps mon bâton dans les broussailles (pélerine à deux sous! qui crapahute pieds nus ) , je prie notre Sainte Mère de venir Elle-même et d'écraser de son talon la vilaine tête de celui qui veut nous désunir.

Et que l'Amour du Seigneur nous rassemble, fasse de toutes ces tendres bouchées de pain un seul et même Pain d'Unité et d'Amour.
parce que, dans l'Espérance, Il nous a sauvés, et que dans le désespoir périront les vaines tentatives de Son très-faible ennemi.