Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 8,34-38.9,1.
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Évangile la sauvera.
Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier en le payant de sa vie ?
Quelle somme pourrait-il verser en échange de sa vie ?
Si quelqu'un a honte de moi et de mes paroles dans cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les anges. »
Et il leur disait : « Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d'avoir vu le règne de Dieu venir avec puissance. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Avant ma conversion, la dernière phrase de ce passage me paraissait choquante: n'était-elle pas la preuve de l'échec du Christ, puisque les disciples qui ont reçu cette promesse sont morts sans que le règne de Dieu soit venu avec puissance (sous-entendu : partout sur la terre ?)
C'est quelques jours plus tard qu'eût lieu mon expérience de conversion. Ce n'était vraiment pas ce que j'avais pu lire ailleurs et c'est la première remarque qui s'impose: rien à l'extérieur (ou très peu), mais tout à l'intérieur. Je ne pensais pas au diable, mais j'ai d'abord ressenti qu'à mon désir de bonheur, mille et une choses de ce monde avaient fait obstacle, et que j'avais adhéré à des mensonges "gros comme des maisons', d'autant plus qu'ils m'en imposaient: c'était simple et même facile. Et avec la réussite viendrait le bonheur, l'argent et le pouvoir, afin de satisfaire tous tous les désirs de mon cœur. En somme, il suffisait de suivre les directions indiquées comme sur l'autoroute.
Cependant, pourquoi cette gêne en moi ? Pourquoi ces femmes que j'avais aimées me disaient toutes à la fin: "On s'amuse beaucoup avec toi, mais moi, je ne suis pas pressée de figer tout çà dans un couple, avec des enfants, une maison, etc." Pourquoi la route était-elle si longue ? Pourquoi le plaisir apportait-il avec lui une insatisfaction plus profonde encore, comme une perte de substance intérieure ? Comme je l'ai raconté plusieurs fois, je me suis mis un jour à désirer "la vérité", car çà n'allait pas, tout ne collait pas ensemble. Ce fut une lutte qui dura près de huit années, au bout de laquelle je conclus que le monde m'avait menti quasiment chaque jour.
Et le bouquet, en quelque sorte, c'est d'avoir découvert chez les Athéniens, la vérité obtenue par l'applaudimètre ! A ce point-là, oui : il y avait des joutes oratoires auxquelles assistait toute la ville. On formulait une proposition (ex: la terre tourne autour du soleil) et le premier orateur se lançait dans sa démonstration; ensuite son opposant venait démontrer que c'est au contraire le soleil qui tourne autour de la terre. Et celui des deux qui avait reçu le plus d'applaudissements avait énoncé la vérité. "Naturellement, disait en souriant le prof de philo, il y avait parfois des tricheries - un applaudissement, c'est comme le reste, çà peut s'acheter..."
De ce fait, ayant cessé d'être heureux pour descendre dans le malheur, je me suis mis à rechercher la vérité, mais la "vraie vérité", celle qui était sous-sous-jacente à toutes les autres. Ce fut extrêmement vexant, pénible, et en un cas très triste, d'avoir préféré tout ce qui était passager plutôt que ce qui demeure. Le bonheur, tel que mon cœur d'enfant, puis de baptisé, l'avait d'abord conçu, je l'avais moi-même enterré. J'aurais pu me marier, avoir des enfants, et en même temps endurer de lourds efforts... mais j'avais gâché cela aussi.
J'ai écrit un poème, le premier, il comportait un cri de colère qui est lié de prêt à "cette venue du règne de Dieu avec puissance" : j'avais écrit :
"Lorsque la coupe est pleine, il faut la renverser, ou l'avaler d'un trait et ne rien regretter"
Pour moi, à partir de ce moment, il y eut bien un règne du mensonge en ce monde, dont le pouvoir est destiné à cacher la réalité du bonheur possible pour l'homme.
Mon retour fut assez rapide ensuite. J'ai vu et j'ai cru. La puissance du Christ n'est pas du tout ce que les hommes peuvent concevoir en matière de 'puissance' : c'est du pur amour, à un degré d'incandescence que l'on désire n'y pas survivre fut-ce une seconde. J'ai cherché la vérité entre 16 et 25 ans et je dirais bien: depuis l'âge de 25 ans, personne ne l'a remarqué, mais je suis mort. Un mort-vivant très joyeux, en quelque sorte !