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 Bernanos

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MessageSujet: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeMar 22 Fév 2011 - 15:14

Bonjour à tous,
Je suis en train de lire "Journal d'un curé de campagne", de Georges Bernanos.
Je m'attendais à autre chose, plus dans le genre journal intime, mais ce sont plutôt les réflexions d'un jeune curé dans sa première paroisse (dans les années 30 je suppose), ses difficultés, sa foi et sa relation à Dieu, etc... Il se pose beaucoup beaucoup de questions, doute énormément...
J'aimerai savoir si d'autres l'ont lu et ce que vous en avez pensé. study
Pour ma part, je ne l'ai pas encore terminé, mais j'ai du mal. Je le trouve certes intéressant, mais un peu grandiloquent et confus.
Bref... Rolling Eyes
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Dernière édition par Coton le Mar 22 Fév 2011 - 15:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeMar 22 Fév 2011 - 15:15

Very Happy
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeJeu 24 Mar 2011 - 10:26

Je me suis inscrit sur le site pour pouvoir vous répondre, Bernanos étant mon péché mignon !

Vous attendiez plus intime ?
Ce journal vous livre l'âme à nu d'un jeune prêtre et de certains de ses paroissiens !
Je me suis immédiatement remis à le lire pour voir ce que vous signifiez, comme ses doutes.

Pour moi c'est un cheminement d'une sainteté incroyable
Je vous invite, une fois le livre terminé, à voir le film, magnifique aussi !
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Hélène
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeJeu 24 Mar 2011 - 12:13

Rassurez-vous PaxetBonum,

Ce n'est pas un péché de lire Bernanos...

Bienvenu ici... Very Happy
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 12:23

Coton, ne vous inquiétez pas trop ! Bernanos est un grand auteur, il a beaucoup de fans (dont Paxetbonum par exemple !), mais parfois on peut ne pas tout saisir. Le journal d'un curé de campagne date des années 1930, cela se passe dans une société rurale assez différente de notre époque et surtout l'Eglise a assez changé depuis. Donc cela ajouté au style de Bernanos, vous pouvez tout à fait "avoir du mal" avec ce livre... D'autant plus si vous êtes assez néophyte en matière religieuse, car cela parle beaucoup de vie intérieure et des conflits que vit ce jeune prêtre.

Continuez votre lecture, peut-être qu'à la fin, vous le trouverez moins confus... Il est vrai que le narrrateur se pose beaucoup de questions, mais ça le fait avancer dans l'humilité. C'est probablement mieux qu'un homme trop sûr de lui !

Bonne continuation avec Bernanos. N'hésitez pas à lire d'autres de ses ouvrages, notamment ceux écrits vers la fin de sa vie (Les grands cimetières sous la lune, La France contre les robots..) C'est un écrivain majeur du 20ème siècle !

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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 12:38

Le journal d'un curé de Campagne me paraît l'un des plus abordables
Sous le soleil de satan, ou plus encore l'Imposture, me semblent plus tortueux, mais non moins magnifique.

« De tous mes contemporains, il est celui que j’ai le plus admiré. Le malheur de n’être pas un saint, dont nous ne souffrons guère, il l’a assumé à notre place et pour nous. »
François Mauriac parlant de Bernanos
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 12:42

Finalement j'ai oublié 'Dialogue des Carmélites' beaucoup plus facile par son côté théatral.
Un fil superbe en a été tiré également
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 15:33

PaxetBonum a écrit:
Je me suis inscrit sur le site pour pouvoir vous répondre, Bernanos étant mon péché mignon !

Vous attendiez plus intime ?
Ce journal vous livre l'âme à nu d'un jeune prêtre et de certains de ses paroissiens !
Je me suis immédiatement remis à le lire pour voir ce que vous signifiez, comme ses doutes.

Pour moi c'est un cheminement d'une sainteté incroyable
Je vous invite, une fois le livre terminé, à voir le film, magnifique aussi !

Je vous remercie Paxetbonum de vous êtes inscrit pour pouvoir me répondre! Very Happy
Finalement, c'est un livre fort, c'est sûr... un cheminement intérieur, une âme mise à nu comme vous dites!
Il me reste enore à l'esprit longtemps après l'avoir refermé, c'est un signe.
Mais je pense qu'une deuxième lecture dans un futur proche, une fois mes propres interrogations sur la religion apaisées, me sera encore plus profitable!
J'ai très envie aussi de voir le film!
En revanche, Dialogue des carmélites, je ne sais pas trop, ce livre ne m'attire pas plus. J'hésite à le lire, mais si vous dites que c'est son meilleur, je vais y réfléchir!
Bonne soirée!
flower
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 15:38

Hervé a écrit:
Coton, ne vous inquiétez pas trop ! Bernanos est un grand auteur, il a beaucoup de fans (dont Paxetbonum par exemple !), mais parfois on peut ne pas tout saisir. Le journal d'un curé de campagne date des années 1930, cela se passe dans une société rurale assez différente de notre époque et surtout l'Eglise a assez changé depuis. Donc cela ajouté au style de Bernanos, vous pouvez tout à fait "avoir du mal" avec ce livre... D'autant plus si vous êtes assez néophyte en matière religieuse, car cela parle beaucoup de vie intérieure et des conflits que vit ce jeune prêtre.
Merci Hervé pour votre réponse, éffectivement, je pense qu'il "résonnera" plus en moi lorsque j'aurai avancé un peu plus sur le Chemin... sunny

Hervé a écrit:
Continuez votre lecture, peut-être qu'à la fin, vous le trouverez moins confus... Il est vrai que le narrrateur se pose beaucoup de questions, mais ça le fait avancer dans l'humilité. C'est probablement mieux qu'un homme trop sûr de lui !

Bonne continuation avec Bernanos. N'hésitez pas à lire d'autres de ses ouvrages, notamment ceux écrits vers la fin de sa vie (Les grands cimetières sous la lune, La France contre les robots..) C'est un écrivain majeur du 20ème siècle !

Je compte bien lire autre chose de ce grand auteur. On m'a dit grand bien aussi des"Grands cimetières sous la Lune" et Dialogue des carmélites.
Mais que raconte "La france contre les robots"? scratch


Bonne soirée
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 16:36

La France contre le nazisme

Je ne prétends pas que dialogue des Carmélites soit le meilleurs, mais très facile d'abord, bien que très profond
Mon préféré reste " Le journal d'un curé de campagne"
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeVen 25 Mar 2011 - 20:42

Coton a écrit:
En revanche, Dialogue des carmélites, je ne sais pas trop, ce livre ne m'attire pas plus. J'hésite à le lire, mais si vous dites que c'est son meilleur, je vais y réfléchir!
Bon, je ne dirais pas que Dialogue de carmélites est le meilleur livre de Bernanos... parce qu'en fait c'est le seul que j'ai lu, alors faire des comparaisons serait difficile. smilee
Cela ne m'empêche pas d'appuyer les propos de Paxetbonum ; ce petit livre est effectivement très facile à lire et pas mal fichu. Le dénouement final ne manque pas d'un certain côté "théâtral" mais je n'ai pas pu m'empêcher d'être un peu émue... (ça c'est pour vous donner envie de le commencer !).

Perso j'ai très envie d'ouvrir Sous le soleil de Satan.
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 4:43

Je vous conseillerais de poursuivre avec le journal d'un curé de campagne
Sous le soleil de satan est plus "difficile"
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeSam 26 Mar 2011 - 15:02

Bernanos est un bonhomme deroutant. J'ai lu sur lui, mais de lui je n'ai lu que le Journal d'un cure de campagne, Dialogues des carmelites et La grande peur des bien-pensants. Grand spirituel c'est certain, il n'etait pas du tout detache des realites temporelles et politiques de son temps. Admirateur du polemiste anti-semite Edouard Drumont, a qui il a consacre un livre, il fut pourtant un des premiers a denoncer le general Franco durant la guerre civile espagnole, meme si cette prise de position le placait dans le meme camp que les communistes! Il fut aussi un des tout premiers a rejeter le regime de Petain durant la deuxieme guerre mondiale, ce qui etait plutot exceptionnel pour un royaliste comme lui. Bref, un homme qui ne se laissait pas enfermer dans les stereotypes.

Sur Bernanos comme ecrivain, je dirais qu'il faut tenir compte d'un decalage entre son epoque et la notre pour pouvoir acceder a la comprehension de certains passages. Le contexte social, ecclesial, les conventions literraires de son temps font cela. C'est un homme du 20eme siecle, donc presqu'un de nos contemporains, mais cette proximite est trompeuse. Un exemple: les Dialogues des carmelites sont une oeuvre qui parle, notamment, de l'approche de la mort chez un groupe de religieuses a l'epoque de la Revolution francaise, qui voient venir la persecution et prevoient leur fin prochaine. Or, Bernanos les a ecrits dans les dernieres annees de sa vie, alors qu'il se savait condamne par la maladie. Cela permet de saisir qu'il y ait comme un element de non-dit et d'euphemisme dans la description des etats d'ame des personnages: de la pudeur, en somme. Les ecrivains n'etalaient pas tout a cette epoque, et cela peut faire que des choses nous echappent aujourd'hui en lisant un ecrivain du passe. (J'ai compris certains passages en voyant l'adaptation de l'oeuvre pour l'opera par Poulenc: la tentation de la revolte chez la vieille prieure mourante, par exemple, qui n'est que suggeree dans le texte original.)

Dans le Journal d'un cure de campagne, en revanche, il y a un arriere-plan historique sur lequel l'auteur n'elabore pas, mais que ses premiers lecteurs connaissaient assez pour ne pas avoir besoin de se le faire expliquer. Est-ce necessaire de le connaitre en detail pour pouvoir apprecier le roman? Sans doute pas, parce que le propos s'eleve a un plan qu'on peut saisir au-dela des particularites de ce temps lointain, et la description des personnsages gravitant autour du cure permet quand meme de comprendre a quel point on est loin du Quebec et des annes 30.
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeSam 3 Sep 2011 - 11:34

Dans le "Journal d'un curé de campagne", Bernanos livre une vision toute particulière de la lutte entre le bien et le mal dans le monde, et surtout dans les âmes. Je note ici quelques extraits que je trouve significatifs :

L'ennui

Les hommes qui ont perdu Dieu de vue entrent dans une spirale qui les conduit au désespoir s'ils ne réagissent pas à temps, même aux occasions que le Seigneur leur donne de se retourner vers la Vie.

« On dira peut-être que le monde est depuis longtemps familiarisé avec l’ennui, que l’ennui est la véritable condition de l’homme. Possible que la semence en fût répandue partout et qu’elle germât çà et là, sur un terrain favorable. Mais je me demande si les hommes ont jamais connu cette contagion de l’ennui, cette lèpre? Un désespoir avorté, une forme de turpitude du désespoir, qui est sans doute comme la fermentation d’un christianisme décomposé. »

Le sel, non le miel

Les prêtres doivent être de vrais disciples. Ils ne doivent pas devenir du miel (entrer dans les considérations de ce monde), mais du sel (ils doivent au contraire dénoncer le démon qui fait "tourner les affaires" en ce monde

« Le bon Dieu n’a pas écrit que nous étions le miel de la terre, mon garçon, mais le sel. Or, notre pauvre monde ressemble au vieuc père Job sur son fumier, plein de plaies et d’ulcères. Du sel sur une peau à vif, ça brûle. Mais ça empêche aussi de pourrir. »

A propos de la prière

« Nous nous faisons généralement de la prière une si absurde idée! Comment ceux qui ne la connaissent guère – peu ou pas – osent-ils en parler avec tant de légèreté? Un trappiste, un chartreux, travaillera des années pour devenir un homme de prière, et le premier étourdi venu prétendra juger de l’effort de toute une vie! Si la prière était réellement ce qu’ils pensent, une sorte de bavardage, le dialogue d’un maniaque avec son ombre, ou moins encore – une vaine et superstitieuse requête en vue d’obtenir les biens de ce monde, - serait-il croyable que des milliers d’êtres y trouvassent jusqu’à leur dernier jour, je ne dis pas même tant de douceurs – ils se méfient des consolations sensibles – mais une dure, forte et plénière joie! Oh! sans doute, les savants parlent de suggestion. C’est qu’ils n’ont sûrement jamais vu de ces vieux moines, si réfléchis, si sages, au jugement inflexible, et pourtant tout rayonnants d’entendement et de compassion d’une humanité si tendre. Par quel miracle ces demi-fous, prisonniers d’un rêve, ces dormeurs éveillés semblent-ils entrer plus avant chaque jour dans l’intelligence des misères d’autrui? Etrange rêve, singulier opium qui, loin de replier l’individu sur lui-même, de l’isoler de ses semblables, le fait solidaire de tous, dans l’esprit de l’universelle charité!
J’ose à peine risquer cette comparaison, je prie qu’on l’excuse, mais peut-être satisfera-t-elle un grand nombre de gens dont on ne peut attendre aucune réflexion personnelle s’ils n’y sont d’abord encouragés par quelque image inattendue qui le déconcerte. Pour avoir quelque fois frappé au hasard, du bout des doigts, les touches d’un piano, un homme sensé se croirait-il autorisé à juger de haut la musique? Et si telle symphonie ed Beethoven, telle fugue de Bach le laisse froid, s’il doit se contenter d’observer sur le visage d’autrui le reflet des hautes délices inaccessibles, n’en accusera-t-il pas que lui-même?
Hélas! on en croit sur parole des psychiatres, et l’unanime témoignage des Saints sera tenu pour peu ou rien. Ils auront beau soutenir que cette sorte d’approfondissement intérieur ne ressemble à aucun autre, qu’au lieu de nous découvrir à mesure notre propre complexité il about it à une soudaine et totale illumination, qu’il débouche dans l’azur, on se contentra de hausser les épaules. Quel homme de prière a-t-il pourtant jamais avoué que la prière l’ait déçu? »

Si nous avons de mauvaises pensées, les autres en souffrent aussi.

"Personne ne sait par avance ce qui peut sortir, à la longue, d’une mauvaise pensée. Il en et des mauvaises comme des bonnes: pour mille que le vent emporte, que les ronces étouffent, que le soleil dessèche, une seule pousse des racines. La semence du mal et du bien vole partout. Le grand malheur est que la justice des hommes intervienne toujours trop tard; elle réprime ou flétrit des actes, sans pouvoir remonter plus haut ni plus loin que celui qui les a commis. Mais nos fautes cachées empoisonnent l’air que d’autres respirent, et tel crime, dont un misérable portait le germe à son insu, n’aurait jamais mûri son fruit, sans ce principe de corruption. »

(A suivre... si j'ai du temps libre...)
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeLun 5 Sep 2011 - 8:16

Si on était sur Facebook, je likerais. Smile
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeLun 5 Sep 2011 - 10:45

Les désordres dans une vie

« Tous les désordres procèdent du même père, et c’est le père du mensonge. »

Les valeurs humaines devant Dieu

« Qu’importe à Dieu le prestige, la dignité, la science, si tout cela n’est qu’un suaire de soie sur un cadavre pourri. "

Nous sommes tous solidaires


« Je crois que si Dieu nous donnait une idée claire de la solidarité qui nous lie les uns aux autres, dans le bien et dans le mal, nous ne pourrions plus vivre. »


Prier n'est pas marchander

« On ne marchande pas avec le bon Dieu, il faut se rendre à lui, sans condition. Donnez-lui tout, il vous rendra plus encore. »

Ah, ceci j'adore !

« Il n’y a pas un royaume des vivants et un royaume des morts, il n’y a que le royaume de Dieu, vivants ou morts, et nous sommes dedans. »

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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeLun 5 Sep 2011 - 11:23

Inutile d'en vouloir à Dieu pour un malheur

« Si notre Dieu était celui des païens ou des philosophes (pour moi, c’est la même chose) il pourrait bien se réfugier au plus haut des cieux, notre misère l’en précipiterait. Mais vous savez que le nôtre est venu au-devant. Vous pourriez lui montrer le poing, lui cracher au visage, le fouetter des verges et finalement le clouer sur une croix, qu’importe? Cela est déjà fait... »




Une définition de l'enfer


« L’enfer, c’est de ne plus aimer. Tant que nous sommes en vie, nous pouvons nous faire illusion, croire que nous aimons par nos propres forces, que nous aimons hors de Dieu. Mais nous ressemblons à des fous qui tendent les bras vers la lune dans l’eau. »

Il fallait ouvrir vraiment ouvrir l'oeil pour reconnaître le Chirst !

La simplicité de Dieu, l’effrayante simplicité de Dieu qui a damné l’orgueil des Anges! Le peuple juif avait la tête dure, sans quoi il aurait compris qu’un Dieu fait homme, réalisant la perfection de l’homme, risquait de passer inaperçu, qu’il fallait ouvrir l’œil. Et tiens, justement, cet épisode de l’entrée triomphale à Jérusalem, je le trouve si beau! Notre-Seigneur a daigné goûter au triomphe comme au reste, il n’a rien refusé de nos joies, il n’a refusé que le péché. Son triomphe, c’est un triomphe pour enfants, tu ne trouves pas? Une image d’Epinal, avec le petit de l’ânesse, les rameaux verts, et les gens de la campagne qui battent des mains. Une gentille parodie, un peu ironique, des magnificences impériales. Notre-Seigneur a l’air de sourire.

Le regard de la Vierge Marie

Rends-toi compte de ce que nous sommes pour elle, nous autres, la race humaine? Oh! naturellement, elle déteste le péché, mais enfin, elle n’a de lui nulle expérience, cette expérience qui n’a pas manqué aux plus grands saints, au saint d’Assise lui-même, tout séraphique qu’il est. Le regard de la Vierge est le seul regard vraiment enfantin, le seul vrai regard d’enfant qui se soit jamais levé sur notre honte et notre malheur. [center]


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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeLun 5 Sep 2011 - 14:07

Heureusement que j'ai toujours ce livre sous la main. A l'âge de quatorze ans, lorsque je l'ai lu pour la première fois, je n'y comprenais pas grand chose, mais j'étais fasciné par le personnage... finalement je l'ai bien lu dix fois. J'ai choisi ce passage dans lequel le petit curé, s'adressant à une comtesse, va lui décrire l'enfer qu'elle doit craindre si elle ne cesse pas de haïr Dieu, à qui elle reproche la mort d'un nourrisson, son fils...

"– Dieu l’a éloigné de vous pour un temps, et votre dureté…
– Taisez-vous !
– La dureté de votre cœur peut vous séparer de lui pour toujours.
– Vous blasphémez, Dieu ne se venge pas.
– Il ne se venge pas, ce sont des mots humains, ils n’ont de sens que pour vous.
– Mon fils me haïrait peut-être ? Le fils que j’ai porté, que j’ai nourri !
– Vous ne vous haïrez pas, vous ne vous connaîtrez plus.

(...)

Qu’est-ce que vous avez fait de l’enfer, vous autres ? Une espèce de prison perpétuelle, analogue aux vôtres, et vous y enfermez sournoisement par avance le gibier humain que vos polices traquent depuis le commencement du monde – les ennemis de la société. Vous voulez bien y joindre les blasphémateurs et les sacrilèges.(...)

On juge l’enfer d’après les maximes de ce monde et l’enfer n’est pas de ce monde. Il n’est pas de ce monde, et moins encore du monde chrétien. Un châtiment éternel, une éternelle expiation – le miracle est que nous puissions en avoir l’idée ici-bas, alors que la faute à peine sortie de nous, il suffit d’un regard, d’un signe, d’un muet appel pour que le pardon fonce dessus, du haut des cieux, comme un aigle.

Ah ! c’est que le plus misérable des hommes vivants, s’il croit ne plus aimer, garde encore la puissance d’aimer. Notre haine même rayonne et le moins torturé des démons s’épanouirait dans ce que nous appelons le désespoir, ainsi que dans un lumineux, un triomphal matin.

L’enfer, madame, c’est de ne plus aimer. Ne plus aimer, cela sonne à vos oreilles ainsi qu’une expression familière. Ne plus aimer signifie pour un homme vivant aimer moins, ou aimer ailleurs.

Et si cette faculté qui nous paraît inséparable de notre être, notre être même – comprendre est encore une façon d’aimer – pouvait disparaître, pourtant ?
Ne plus aimer, ne plus comprendre, vivre quand même, ô prodige ! L’erreur commune à tous est d’attribuer à ces créatures abandonnées quelque chose encore de nous, de notre perpétuelle mobilité alors qu’elles sont hors du temps, hors du mouvement, fixées pour toujours. Hélas ! si Dieu nous menait par la main vers une de ces choses douloureuses, eût-elle été jadis l’ami le plus cher, quel langage lui parlerions-nous ? Certes, qu’un homme vivant, notre semblable, le dernier de tous, vil entre les vils, soit jeté tel quel dans ces limbes ardentes, je voudrais partager son sort, j’irais le disputer à son bourreau. Partager son sort !… Le malheur, l’inconcevable malheur de ces pierres embrasées qui furent des hommes, c’est qu’elles n’ont plus rien à partager ».


Note: Que puisse disparaître la faculté même d'aimer, j'ai eu du mal à y croire. Je me disais: tout de même, c'est exagéré ! Mais il faut y prendre garde, car cela n'a rien d'instantané. On va d'un refus d'aimer, à un autre refus d'aimer; on se replie sur soi, année après année, et à la fin, il ne reste que la "tour d'ivoire" de l'Ego, du Moi. Certaines personnes que j'ai connues ont tellement développé et gonflé, sous l'influence de la psychanalyse, le "sens dominant de l'égo"... qu'au-delà d'eux-mêmes, il n'est plus rien. Cela existe et c'est vraiment affreux à constater. Par exemple, il suffit qu'un proche tombe malade: ils le rejettent aussitôt. Ils ne veulent plus considérer non plus leur propre finitude: ils se convainquent donc qu'après la mort, il n'y a rien et, tout à la fin, ils souscrivent au suicide assisté. Dans cette forme, c'est encore l'ego qui a dominé sur tout le reste... Il faut beaucoup prier pour les âmes qui s'engagent dans cette voie de froideur, totalement éloignée de la charité...
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeMar 6 Sep 2011 - 13:19

Encore une ou deux (re)découvertes dans ce livre... Le jeune curé finit par découvrir qu'il est atteint d'un cancer de l'estomac - incurable. En sortant de chez le médecin, il traverse la rue et entre au hasard dans un café. Comme tout être humain, il a très envie de se plaindre, à n'importe qui... mais quelque chose le retient et Bernanos lui met dans la bouche ces mots que je trouve extraordinaires:

"Garder le silence, quel mot étrange ! C'est le silence qui nous garde."

Restent les derniers mots du roman:

"La grâce est de s'oublier. Mais si tout orgueil est mort en nous, la grâce des grâces serait de s'aimer humblement soi-même, comme n'importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ."
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MessageSujet: Re: Bernanos   Bernanos Icon_minitimeMar 6 Sep 2011 - 15:08

boisvert a écrit:
"La grâce est de s'oublier. Mais si tout orgueil est mort en nous, la grâce des grâces serait de s'aimer humblement soi-même, comme n'importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ."

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