Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9,38-40.
Jean, l'un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu'un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l'en empêcher, car il n'est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit : « Ne l'empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ;
celui qui n'est pas contre nous est pour nous.
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Voici un homme qui n'est pas connu des douze et qui, cependant, chasse les esprits mauvais en employant le nom de Jésus. D'une part, cela me rappelle l'épître de Paul aux Philippiens, lorsqu'il déclare: « Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’an nom de Jésus tout genou fléchisse, au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toutes langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » (Phil 2 9-11); et d'autre part, je songe que cet inconnu, cet homme que les proches disciples ne reconnaissent pas, est cependant connu de Jésus.
Cet inconnu désigne aussi bien l'un de nous, de ceux qui ont cru sans avoir vu. Nous sommes les disciples inconnus, tout comme nous sommes les serviteurs inutiles. Tout au début, après ma conversion, j'ai cherché à entrer dans un ordre religieux et j'espérais bien y faire carrière ! Mais le Seigneur n'a pas voulu cela et il m'a renvoyé dans le même milieu que j'avais quitté - tout simplement, car c'était là que je pouvais servir. Et c'est le cas du plus grand nombre.
Le petit mot de Jésus : "Celui qui n'est pas contre nous est pour nous" n'entre pas en réelle contradiction avec cet autre : "Celui qui n'est pas avec nous est contre nous". Évidemment, c'est d'une grande subtilité fondée, je le crois, sur le fait qu'un homme peut changer et change parfois beaucoup avant d'être établi. Je songe de nouveau à la jeune Simone Weil. Juive issue d'un milieu complètement agnostique, elle a cinq ans à peine quand éclate la première guerre mondiale. On lui propose le "marrainage" d'un soldat et c'est ainsi qu'elle découvre non pas tant la misère des hommes du front, mais la compassion dans son cœur. Elle renonce à un morceau de sucre, d'abord, mais ensuite à toute sa ration de sucre durant toute la durée de guerre. Comme dit un auteur, c'est à partir de ce moment-là qu'elle fut "atteinte de la compassion" (comme on dirait d'une maladie), qui va finalement orienter toute sa vie. Bien plus tard, elle rencontrera effectivement Jésus, mais sans avoir cherché autre chose que "la vérité". Pour moi, sa vie est une très belle illustration de l'existence des "disciples inconnus".