"Il ne suffit pas de dire 'Seigneur, Seigneur' pour entrer dans le royaume des cieux, mais il faut accomplir la volonté du Père qui est aux cieux"
la répétition des mots est d'un précieux secours : elle nous indique que les cieux sont le lieu où réside le Père. C'est le lieu de la félicité parfaite et éternelle, comme une maison où se prépare un repas de fête à notre intention. Exalter le nom du Seigneur, c'est pour moi satisfaire au premier commandement : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces". C'est déjà quelque chose de très important, puisque toutes les énergies de l'homme s'y mobilisent, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi répondre au deuxième commandement : "Tu aimeras ton prochain comme toi=même". En définitive c'est très simple: la tension intérieure qui fait aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces, doit être suffisante pour permettre d'aimer son prochain comme soi=même.
Simone Weil comprenait ainsi le second commandement : "Aimer un étranger comme soi=même implique comme contre partie de s'aimer soi=même comme un étranger." (PG, 121) C'est une précieuse indication, car Dieu, personne ne l'a vu. Dès lors, si notre amour envers Dieu est véritable, cela ne peut se vérifier qu'à l'amour que nous aurons manifesté à celui qui nous est le plus différent, mais que nos yeux de chair permettent de voir: c'est "le prochain", n'importe quel être humain, quelle que soit sa condition, quels que soient ses paroles et ses actes, y compris celui qui nous fait du mal.
Il faut se souvenir que Dieu ne fait pas de différences entre les hommes : il fait se lever le soleil et tomber la pluie sur les bons comme sur les méchants. Si vraiment nous aimons Dieu, nous devons être capables d'aimer nous aussi sans faire de différence entre les personnes. C'est cela, le "roc" sur lequel est bâtie la maison qui résiste aux tempêtes des plus violentes. Car les épreuves qui vérifient la qualité de notre foi ne viennent pas de Dieu, comme s'il y avait des choses secrètes à découvrir ou difficiles à comprendre; mais elles viennent des hommes, de nos semblables, parfois de ceux que nous avons aimés et qui nous ont trahis.
Ce double mouvement de l'amour, qui nous fit l'aimer de tout notre coeur, de toute notre âme et de toutes nos forces, et qui est l'élévation verticale, ne peut se concevoir sans le mouvement horizontal qui consiste à aimer tous les êtres humains qui sont à notre portée. Ce mouvement est double, et ses deux éléments sont perpendiculaires l'un à l'autre, et c'est bien ainsi que s'est tracée la Croix...