Ce texte est extrait du Journal de Julien Green. Il "une personne de sa connaissance", mais je suis convaincu que c'est de lui-même qu'il parle. Car il avait de ces rêveries qui ressemblaient à des visions et des visions qu'il donnait pour des rêveries. Qu'on en juge:
"L'autre jour, en pensant à la bonté du Christ, une personne que je connais a eu devant les yeux une sorte de représentation si précise et si vive que les mots ne peuvent en donner qu'une faible idée.
Elle a vu d'abord une foule de gens qui semblaient à la fois pressés et malheureux et qui tous se dirigeaient du même côté. Elle a compris qu'ils étaient malheureux car ils avaient perdu la grâce et qu'ils étaient pressés sans raison, comme on l'est dans le monde.
Et elle a vu le Christ qui allait de l'un à l'autre, et d'une manière qui ne peut se décrire, il allait à chacune de ses personnes en même temps, essayant de lui parler et, même doucement, de l'arrêter; mais tout ce monde le repoussait avec impatience et allait de l'avant, refusant d'entendre ce qu'il avait à dire; et à chaque fois, il avait l'air si peiné, si offensé, et il y avait dans ses yeux une si grande tristesse que des larmes ont jailli des larmes ont jailli des yeux de la personne qui voyait ces choses.
Alors, elle lui a demandé, puisque personne ne voulait de lui, s'il ne voulait pas d'elle, et elle éprouvait en disant cela autant de chagrin que d'amour parce qu'elle se rendait compte qu'elle n'avait pas grand chose à lui offrir.
Cette scène a duré plusieurs minutes; le spectateur voyait tout distinctement et à chaque nouveau refus, il recevait comme un coup dans la poitrine et se demandait comment on pouvait traiter ainsi Notre-Seigneur."