La vie de chrétien est faite de chutes et de relèvements. Je chute et je me relève, je retombe et je me relève à nouveau. Je ne connais pas d'autre manière de progresser. Sainte Faustine, comme d'autres avant elles, tenait le carnet de ses "victoires" et "défaites". Il y a donc une lutte en cours dont l'enjeu est le salut de l'âme. L'âme est soumise à de multiples tentations, elle passe de l'une à l'autre. Elle ne cherche pas vraiment la tentation, mais la chair l'y entraîne incessamment.
Durant son agonie au Jardin des Oliviers, Jésus voit ses disciples endormis ou étrangement accablés par la tristesse, et il nous donne une précieuse indication: "Demeurez et priez (ou demeurez et veillez), car l'esprit est prompt mais la chair est faible".
Ces choses me viennent en mémoire en cette fin de journée, car un "AA", un alcoolique anonyme, m'a montré son carnet (il est possible que ce soit aussi une règle dans cette association - de tenir des notes, je n'en sais rien.) Bref, cet homme inscrit chaque jour dans son carnet - et c'est écrit à toutes les pages: "Attention, c'est la première boisson qui entraîne l'effondrement".
Il m'a expliqué que, pour lui, un verre à table, ce n'est rien du tout. Mais le lendemain, de nouveau à table, le verre revient - bière, vin, apéritif, peu importe. Cela va sans accroc durant quinze jours. Puis il se reprend et ne boit plus rien les trois jours qui suivent. Mais le quatrième jour, bizarrement: trois verres au lieu d'un durant le repas. Puis rien pendant cinq jours. Puis d'un seul coup, la grosse chute: la "raclée totale", la "biture en virée" (ce sont les mots que j'ai retenus).
Je le crois néanmoins sauvé car il en est désormais à quatre mois depuis son dernier verre. Pourquoi s'inquiéter ? Au total, il n'a pas bu beaucoup sur les jours où il a marqué ce qu'il a bu. Seulement, comme il me l'a fait remarquer lui-même : il y a un très grand vide sur la page où il a picolé sans compter et ce vide-là l'effraie beaucoup ! Ce jour-là, il ne s'est pas souvenu de ce qu'il avait bu...
Puisse-t-il donc réussir à être quitte. Il se nomme Jean-Paul. Il m'a dit qu'à sa mort, il sera quitte. Cela fait des années qu'il ne boit plus mais il garde son carnet et il continue d'y noter cette conviction: "Attention, un seul verre sera fatal !" (Dernière annotation).
Pour moi, c'est curieux mais enrichissant - et donc à partager. Car j'ai cessé de fumer en prenant note des occasions particulières où je fumais plus que d'habitude. J'avais noté: "stress intense", "rapport conflictuel", "désappointement sur une vente", "mauvaise journée", temps maussade", etc. Et en même temps, je priais chaque jour Jésus Miséricordieux afin d'être délivré. Mais il y a une nette différence d'avec l'alcool: une fois que j'ai été délivré du tabac, j'ai su - au bout d'une semaine à peine que je ne fumerais plus jamais. Il y a déjà huit ans et je n'ai aucune envie de tabac, je n'y songe jamais, et l'on peut fumer autour de moi, c'est comme si je n'avais jamais fumé.
De toute façon, j'en arrive à ce que je voulais dire: le combat spirituel est du même type. Ce n'est pas pour rien que Jésus a dit : "Tout ce qui s'élève sera abaissé, tout ce qui s'abaisse sera élevé". Ne dirait-on pas que la vie spirituelle est une sorte de quête de l'équilibre intérieur ? Les bouddhistes voudraient annihiler tout désir et jusqu'à la conscience de l'être. Mais nous, nous allons plus loin : nous n'allons pas vers le vide, mais vers le plein; non pas vers l'extinction de l'être, mais vers la rencontre avec Celui qui nous sauve !
J'en tire une autre conclusion : que ceux qui tombent n'ont pas le droit de se juger eux-mêmes. Ils sont tombés ? Et alors, la belle affaire: qu'ils s'appuient sur leurs mains et qu'ils se relèvent. Et qu'ils louent le Seigneur de la force reçue pour se relever ! J'ai pris l’Évangile selon saint Matthieu et j'ai trouvé au chapitre 14:
28 Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l'eau. »
29 Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus.
30 Mais, voyant qu'il y avait du vent, il eut peur ; et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! »
31 Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Eh bien, les pas que Pierre a fait sur l'eau sont comme les pages du "carnet de route" de cet alcoolique : Pierre a marché sur l'eau, mais aussitôt qu'un coup de vent l'a distrait, la peur l'a saisi de nouveau et il s'est enfoncé. Mais il a crié: "Seigneur, sauve-moi !" Plus fort que tout, il y a l'humilité d'appeler le Seigneur au secours, lorsqu'il nous semble que nous sombrons.
Bonne soirée à tou(te)s !