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 "Ventres à louer !" - Un commerce en plein essor !

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boisvert
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boisvert



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MessageSujet: "Ventres à louer !" - Un commerce en plein essor !   "Ventres à louer !" - Un commerce en plein essor ! Icon_minitimeMer 16 Jan 2013 - 12:24

UN MARCHÉ EN PLEIN ESSOR

Depuis notre première rencontre, à la gare de Kiev, rien ne s'est déroulé comme prévu pour la jeune femme. L'implantation de l'embryon n'a pas marché. Tania Berdnik a refusé de subir une nouvelle opération, furieuse de ne pas avoir été remboursée pour les frais de transport. Quatre heures de train jusqu'à la capitale, un billet à 11 euros, ce n'est pas rien. Heureusement, elle a trouvé du travail au village, conforme à sa formation. "Je bosse comme cuisinière. C'est très dur, je fais des journées de 8 heures du matin à minuit, pour 1 200 grivni (120 euros) par mois." Son compagnon n'a pas d'emploi. Que pense-t-il de ses dons d'ovocytes, de ses grossesses rémunérées ? "Ça lui est égal... Je ne sais pas quoi vous répondre." Silence. "C'est la vie", dit-elle en français.


Ainsi va l'Ukraine : un pied dans la modernité, l'autre dans la misère. Deuxième pays au monde, après l'Inde, pour la médecine reproductive, un marché en plein essor. On y trouve le meilleur, des cliniques privées de pointe, suréquipées, avec d'excellents spécialistes, et parfois le pire. Des intermédiaires véreux, des mères porteuses trompées et maltraitées, des bébés qui disparaissent ou bien sont pris au piège d'un conflit juridique. Tout est possible, car tout est flou. La loi, en Ukraine, se plie et se tord, faute d'une culture du droit et d'une séparation des pouvoirs. Vingt et un an après la disparition de l'Union soviétique, huit ans après la "révolution orange", le pays déprime. Certes, l'identité nationale s'est consolidée. Mais les espoirs de démocratisation sont fanés. L'arrivée à la présidence de Viktor Ianoukovitch, en février 2010, a sonné l'heure de la revanche pour le Parti des régions, russophone. La corruption, la confusion entre l'oligarchie et le pouvoir politique atteignent des sommets. Dans ce contexte, la survie n'est pas un vain mot. Il faut s'adapter, bricoler, contourner. Trouver des chemins de braconnier.

Longtemps ballottée de clinique en clinique au gré des interventions, Tania Berdnik a eu la chance, au moment de sa grossesse avortée, de tomber sur un médecin compétent et bien intentionné. Vladimir Kotlik dirige la clinique Mat i detia ("mère et enfant"), dans la banlieue de Kiev. Un petit bâtiment jurant avec les barres avoisinantes, dans lequel on enfile des protections en plastique sur les chaussures, par souci d'hygiène. Derrière le guichet, des hôtesses au foulard orange sourient. La propreté des lieux est parfaite, le bleu ciel domine et rassure. Dans la salle d'attente, de jeunes femmes feuillettent distraitement des magazines ou triturent leur portable. Une télévision parle de la Syrie, une autre montre un documentaire sur les œufs d'alligator. Dans cette clinique, de 300 à 400 enfants naissent chaque année par fécondation in vitro (FIV). Dont 30 par mère porteuse. Au niveau national, les estimations officielles restent modestes. L'Association ukrainienne de la médecine reproductive parle de 150 cas environ par an, mais ce chiffre ne concerne que les cliniques affiliées à l'association.

L'Ukraine est une destination privilégiée pour les couples occidentaux en détresse, qui constituent la moitié de la clientèle. Les repères ont changé, dans nos pays. La cellule familiale traditionnelle a reculé, l'homoparentalité s'est banalisée. Les progrès de la science nourrissent le refus de la fatalité. L'idée d'un droit à l'enfant fait son chemin en Occident, lourd d'interrogations médicales, juridiques, politiques, philosophiques, religieuses. La mère porteuse est au coeur de ce questionnement, d'autant que l'adoption devient de plus en plus difficile.

COMMERCE DU CORPS

Dans son bureau décoré par un vaste panneau de photos d'enfants, trophées de la science, Vladimir Kotlik explique les étapes de la procédure. Elle commence par une consultation avec les parents. Sont écartés d'office les célibataires, les malades du sida et de l'hépatite, ainsi que les homosexuels. "Beaucoup de clients ne veulent pas gâcher leur apparence physique par une grossesse. Ils réclament un enfant d'un claquement de doigts, ou bien plusieurs d'un coup. Or c'est une pratique médicale très encadrée. On a vu un couple voulant des enfants de trois mères porteuses différentes ! Impossible, bien sûr." La règle est claire en Ukraine : il faut qu'un problème médical empêche le couple de procréer. Ensuite, il est inadmissible que la mère porteuse ait un lien génétique avec l'enfant qu'elle porte. En revanche, l'enfant doit en avoir avec au moins l'un des deux parents clients, issu du sperme du père ou de l'ovocyte de la mère.

Le choix de la mère porteuse, âgée entre 18 et 35 ans, se fait par l'intermédiaire d'agences spécialisées, qui disposent d'une liste de candidates et gèrent la sécurité juridique du contrat signé entre les parties. La candidate doit être déjà mère. Si elle est mariée, le consentement de son époux est obligatoire. Pendant la grossesse, elle peut rester à son domicile, ou bien être logée par les clients à Kiev. Ces derniers débourseront au total entre 40 000 et 50 000 dollars, dont environ 15 000 pour la mère porteuse, plus les frais du quotidien. Les critères physiques entrent en ligne de compte dans le choix sur catalogue, mais ils ne sont pas les seuls, nous explique Lioudmila Smagina, la directrice du Medical and Pharmaceutical Law Center, une des agences les plus sérieuses de Kiev. "Les femmes doivent se trouver dans des conditions sociales favorables, être bien entourées. Les personnes d'origine trop pauvres ont un niveau intellectuel inférieur, elles vivent dans un environnement pouvant impliquer de l'alcool ou même de la drogue. Si elles ont de grandes dettes, c'est aussi un motif de stress dommageable."

Lioudmila Smagina est consciente des dérives possibles dans ces grossesses calculées, sur commande. "Nous sommes allés bien plus loin que la plupart des pays européens. Les valeurs morales sont parfois larguées loin derrière les progrès médicaux." Le médecin Vladimir Kotlik se souvient d'un cas extrême, dans la ville de Kharkov où il a travaillé : celui d'une femme devenue mère porteuse pour sa propre fille, qui ne pouvait avoir d'enfant.Le 16 octobre, deux semaines avant les élections législatives, les députés de la Rada ont adopté un projet de loi sur la reproduction médicalement assistée. De longues années de débats et de polémiques l'avaient précédé. Le texte encadrait le recours aux FIV, fixant un âge limite (51 ans), et prévoyait des sanctions pénales sévères contre les cliniques hors la loi. Mais le 2 novembre, à la stupeur générale, le président Ianoukovitch a posé son veto sur le texte. Le chef de l'Etat a estimé que certains statuts et droits n'étaient pas bien déterminés, comme ceux de la mère porteuse. Résultat : en attendant une nouvelle mouture, l'Ukraine ne dispose que du code familial imprécis, qui autorise des dérives.

La plus ardente promotrice du texte est Ekaterina Loukianova, l'une des rares députées à s'intéresser à ces sujets de société. Cette partisane d'une vision conservatrice de la famille, hostile au mariage homosexuel, a sa formule préférée : "Un enfant n'est pas une valise ou un ordinateur. Ses droits doivent être prioritaires." La députée a commencé à travailler sur la question des mères porteuses lorsqu'un scandale de résonnance internationale a éclaté. Il concernait un couple français, Patrice et Aurélia L. En mars 2011, le père avait tenté de sortir clandestinement d'Ukraine ses jumelles nées d'une mère porteuse, cachées dans son véhicule. Il s'est fait arrêter à la frontière avec la Hongrie. Les enfants étaient apatrides. Le couple a fini par leur obtenir la nationalité ukrainienne, puis un visa Schengen. Après des mois d'exil involontaire, ils ont pu revenir en France. "Je comprends qu'on est au XXIe siècle mais cette fuite en avant fait oublier nos bases morales, affirme la députée Loukianova. Dans l'Union européenne, mère porteuse n'est pas une activité commerciale. L'Ukraine, elle, a tendance à transformer la femme en produit. Ce marché n'est pas très éloigné de la prostitution. Il s'agit aussi du commerce du corps."

Le problème, selon la députée, est que le ministère de la santé n'accorde pas de licence spécifique pour les technologies reproductives. Seulement une licence pour les pratiques gynécologiques. Une clinique peut donc s'improviser spécialiste de ce secteur sensible. Heureusement, les agences et les cliniques scrupuleuses anticipent la future loi. Elles refusent déjà de conclure un contrat avec des ressortissants de pays interdisant le recours aux mères porteuses. C'est le cas de la France, de l'Allemagne, ou encore de l'Italie. "Ça fait déjà trois ou quatre ans qu'on n'accepte que les couples des pays scandinaves, d'Angleterre, du Canada, des Etats-Unis et d'Israël, explique Valéri Zoukine, directeur de la clinique Nadia à Kiev et spécialiste respecté de la médecine reproductive. Je connais le cas d'une Française dont l'enfant a été placé dans un orphelinat depuis un an. C'est une tragédie."

C'est un long article assez pénible à lire jusqu'au bout...


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