Zabou_the_terrible Disciple
| Sujet: Inteview du père abbé de Ligugé Sam 26 Jan 2008 - 17:55 | |
| Un bien bel entretien sur la vie monastique réalisé par La croix que je m'empresse de vous partager. - Citation :
Dom Jean-Pierre Longeat : «Les monastères offrent un bain public spirituel»
Dom Jean-Pierre Longeat, Père abbé de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin de Ligugé, explique les fondements de la vie monastique et la place des monastères dans la société
La Croix : Que viennent chercher ceux qui fréquentent les monastères ? Dom Jean Pierre Longeat : Beaucoup de personnes qui traversent des moments délicats de leur existence, ou simplement en recherche spirituelle, sont heureuses de se mettre en retrait pour réfléchir, se plonger dans un climat de prière, d’écoute de la parole de Dieu et de fraternité qu’elles n’ont pas l’occasion de connaître d’une manière aussi intense dans leur vie quotidienne. Elles aiment partager une liturgie qui aide à entrer dans le mystère pascal, le mystère du Christ. Ces personnes sont sensibles aux valeurs qui fondent notre vie.
Quelles sont-elles ?Dans une société qui confine souvent les uns et les autres dans un individualisme inquiétant, les monastères donnent à voir et à partager le témoignage d’une relation fraternelle, d’un chemin de communion. Ils proposent par ailleurs une expérience dans une société où tout devient mouvant. La vie monastique, enracinée dans une longue tradition, témoigne d’une lignée de mémoire dans un contexte où la perception historique est bousculée par la rapidité des changements. Mais les moines sont surtout attendus dans le domaine de l’aspiration spirituelle. Comment peuvent-ils y répondre ? Le plus grand service qu’ils peuvent rendre, c’est de donner à partager leur prière et d’accueillir fraternellement ceux qui en font la demande. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de faire de grands discours sur la prière ou sur la charité. Ce qui importe, c’est d’être mis en condition pour entrer dans un silence d’ouverture et d’accueil, au-delà de toute pensée, et même de toute volonté. Il peut arriver alors que l’esprit bascule dans la communion avec une réalité invisible qui nous dépasse, et où Jésus, le Christ, est présent. Comment s’opère le basculement ? Je ne le sais pas. Quelque chose advient au cœur de nous-mêmes qui modifie notre regard. Certaines personnes disent : je n’ai pas la chance de savoir prier, d’avoir la foi. J’ai envie de dire : accueillez cette foi, elle est là. Je crois que Dieu ne cesse de venir vers nous. C’est nous qui n’allons pas toujours vers Lui. Il faut vraiment qu’il y ait une marche l’un vers l’autre. Pour la majorité de nos contemporains, la vie monastique est difficile. Comment la définiriez-vous ? Comme un laboratoire du mystère humain, concentré dans un espace et un temps, où tout (la vie communautaire, le travail, la prière liturgique ou le recueillement) est orienté vers la recherche de Dieu et un travail sur soi-même, pour rejoindre les autres à un niveau très profond. Un travail d’apaisement des passions qui divisent l’être intérieur – ces passions égoïstes sur la relation à la nourriture, à la sexualité, à l’argent, à la tristesse, à l’agressivité, à la dépression spirituelle, à la vanité, et finalement à l’orgueil – s’avère indispensable pour mettre en œuvre le commandement de l’amour. Au long de l’histoire, les monastères ont produit un certain nombre de conseils, d’enseignements, tirés de l’expérience, qui constituent un véritable trésor. Des communautés de moines et de moniales vivent de cet héritage. La vie monastique ne rend pas automatiquement meilleur, elle est un chemin de conversion, de progression en humanité, de croissance. Il y en a d’autres. La méthode monastique, c’est d’offrir des eaux thermales, un bain public spirituel. Quels sont les principaux éléments de cette méthode ? Dans la Règle de saint Benoît qui s’est progressivement imposée en Occident et que nous suivons – des parallèles peuvent s’établir avec les autres règles monastiques –, le silence est de première importance. C’est une disposition intérieure de disponibilité et d’écoute. Marie, la mère de Jésus, écoute de telle manière que, selon plusieurs Pères de l’Église, elle est fécondée par l’oreille. Nous engendrons le Christ en le recevant comme Verbe de Dieu par l’oreille du cœur. L’obéissance et l’humilité sont d’autres éléments essentiels de la vie des moines… L’obéissance a mauvaise cote pour un individu moderne, qui se veut autonome et entend trouver en lui-même les capacités de se penser, de se vivre, de croire sa vérité. Si elle est admise, c’est comme une contrainte nécessaire pour le bien social. L’obéissance, telle que l’entend saint Benoît, est indissociable de l’écoute et invite à l’humilité du cœur. Écouter et obéir, deux verbes qui ont la même racine, ob-audire, c’est-à-dire se mettre sous la parole de l’autre ou du Tout Autre, se laisser nourrir par elle pour aller plus loin que soi dans une désappropriation de soi et de communion avec autrui, et ainsi croître selon Dieu. Cette obéissance d’amour requiert une attention à l’autre qui pousse à reconnaître en lui une voix différente, notamment si cet autre a vocation à représenter le Christ au milieu de la communauté, comme c’est le cas de l’abbé ou du père spirituel dans les monastères. L’obéissance est ce qu’il y a de plus difficile dans une vie de moine, invité à renoncer consciemment à une volonté égoïste pour accomplir une volonté ouverte sur le bien commun, celui de la communauté L’humilité est-elle intimement liée à l’obéissance ?Elle est l’attitude foncière de Jésus-Christ. Il ne retient rien pour lui-même. Tout homme qui veut suivre le Christ est appelé à abandonner toute possession illusoire de soi. Ces dispositions sont-elles aussi valables pour les communautés chrétiennes ?L’essentiel pour la vie de l’Église, c’est qu’il y a des communautés fraternelles, un corps d’hommes et de femmes qui s’aiment, qui renoncent à l’auto-affirmation et à la tentation du pouvoir pour accéder à la réalité du don de Dieu. Un corps d’hommes et de femmes qui témoignent de leur foi et qui permettent la rencontre du Christ. Si ce n’est pas le cas, les communautés risquent de n’être qu’une réalité extérieure, institutionnelle, sociale qui n’intéresse personne. Il faudrait aussi que nous arrivions, avec les autres Églises, à un témoignage de foi commun ou du moins élargi, sans lequel nous ne sommes pas crédibles. Quel rôle pourraient jouer les monastères ? Il nous faut vivre des mutations rapides et les accompagner, sans craindre de se trouver dans des situations qui appellent des remaniements importants. Les monastères français sont marqués par la mentalité du XIXe siècle qui a restauré le monachisme d’après une certaine relecture de l’époque médiévale. On est amené à repenser ce monde monastique. Des monastères, devenus vraiment un élément de la communauté chrétienne, pourraient vivre le témoignage spécifique de leur vocation en lien étroit avec des paroisses, des mouvements, des groupes divers. Je rêve de monastères, lieux d’émergence de nouvelles communautés chrétiennes, où le groupe des moines s’inscrirait dans un paysage plus vaste, composé de laïcs, de prêtres, de religieux et religieuses. Tous partageraient la prière et l’annonce de l’Évangile, en maintenant le caractère spécifique de retrait et l’insistance sur le témoignage eschatologique de la vie monastique. Votre engagement dans la culture vous tient à cœur. Pourquoi ? La culture permet de tempérer la prépondérance du tout économique. Elle est un moyen d’échapper à la pression de « l’avoir toujours plus » pour être heureux. Elle est un art de vivre. S’engager pour la culture est un combat social. Qu’est-ce qui, dans votre vie, a le plus de prix ? Jésus est un point d’appui considérable dans la traversée de cette vie. Avec lui, j’ai appris que l’amour était pleinement possible. J’ai parfois l’impression de n’avoir aucun autre véritable appui sinon l’amitié partagée en Lui dans la juste relation avec d’autres. Cette amitié-là – qui apporte un bonheur extraordinaire – me parle de lui, renvoie à la Source dont il dit venir et dont nous sommes tous nés. Christ est pour moi l’ami sûr, celui qui ne trahit jamais, qui accepte que l’on ne soit pas parfait, qui aime, même quand nous avons du mal à aimer. Lorsqu’on reçoit un tel don, le désir est immense de le partager. | Recueilli par Martine de SAUTO
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francois Séminariste
| Sujet: Re: Inteview du père abbé de Ligugé Dim 27 Jan 2008 - 10:41 | |
| Ah, c'est un chantier tellement important et stimulant, l'évangélisation du milieu de la culture... Je crois qu'il y a un vrai manque, de ce côté là, dans l'Eglise catholique aujord'hui. Que faire ?
Personnellement, je suis guide pour pélerins à la Basilique Saint Pierre de Rome. En réalité, parmi ceux qui nous arrivent, beaucoup sont de simples touristes.. Et à moi d'en faire des pélerins.
Alors, par la catéchèse du baroque, l'art et la culture deviennent un vrai facteur d'évangélisation. C'est merveilleux ! Idem pour la musique, la littérature, etc.
Parfois, je me dis que c'est le dernier domaine où nos contemporains sont encore près à nous écouter... Faudrait foncer ! | |
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