Difficulté à prier

Je fais partie depuis 2 ans de l'ordre séculier du Carmel, je vais entrer en formation à notre prochaine rencontre.

J'aime la spiritualité carmélitaine, et je souhaite vivement aller au bout de ce parcours et prononcer mes voeux.

Cependant, j'ai énormément de difficulté à consacrer 1/2 heure par jour à l'oraison silencieuse : chez moi, bien entendu, mais même à la chapelle des Carmes, dans le calme et le recueillement ; je ne suis pas maîtresse de mes pensées.

Je suis envahie de pensées parasites et terre à terre, je commence à prier avec ferveur, 10 minutes après je me retouve à faire la liste des courses pour le lendemain !

D'autres personnes connaissent-elles ce problème? Je me console un peu en pensant que la petite Thérèse avouait s'endormir pendant l'oraison!

Je ne suis pas Carmélite Séculier (mais membre de l'Ordre Franciscain Séculier ou Fraternité Franciscaine), cependant je connais les mêmes difficultés, quand il s'agit de faire Oraison 1/2H ou 1H ! Même si j'ai suivi des formations, dont une "Ecole d'Oraison", qui m'a permis de mieux comprendre cette forme de prière, j'ai souvent du mal à rester recueilli devant le Seigneur durant un long moment.

A mon avis, il y a plusieurs causes :
- nos vies modernes favorisent l'éparpillement, l'activité changeante (nous passons souvent d'une activité à l'autre et c'est aggravé par Internet, le "zapping", le téléphone mobile...) La patience et la persévérence ne sont plus des qualités régulièrement sollicitées.

- notre volonté (et la mienne en premier) n'est pas aussi grande lorsque l'on entre en prière que lorsqu'on fait une activité ludique. Le Malin (Satan) est souvent là pour nous tenter et nous inciter à arrêter de prier, pour des motifs variés. C'est justement quand on est devant le Seigneur que l'on va penser que l'on doit faire telle ou telle chose, que l'on se rappelle des trucs oubliés auparavant (mais rarement essentiels) qui vont nous perturber.

Les prêtres et religieux que j'ai entendu et lus à ce sujet disent tous qu'il ne faut pas perdre son énergie à lutter contre les distractions, mais les confier au Seigneur (personnes à voir, soucis matériels...) et continuer à prier en dépassant ces idées "parasites". Il faut surtout ne pas abandonner la prière dès que l'on se sent "sec". Si ça peut vous rassurer, de grands mystiques ont connus de longues périodes de sécheresse dans leur vie et ne ressentaient rien, ce qui ne les a pas empêché de passer des heures devant le Seigneur chaque jour. Quand on est trop fatigué et que les pensées s'éparpillent, on peut offrir cela à Dieu (et essayer quand même de prendre du temps pour Lui à un moment où l'on est moins fatigué !) Surtout, conservez votre sérénité : si vous vous énervez contre vous-même parce que vous pensez "mal prier", cela ne résoudra rien, au contraire...

Quand des distractions arrivent au milieu de la prière, on peut aussi dire lentement un Notre Père, chanter intérieurement un petit refrain calme (moi, j'aime bien les chants de Taizé, ils incitent à la méditation par leur caractère répétitif) et reprendre ensuite notre dialogue avec le Seigneur.
Ce n'est pas de l'Oraison, mais parfois il peut aussi être utile de lire un passage de l'Ecriture puis de méditer dessus, les jours où l'on a du mal à trouver les mots pour s'adresser à Dieu.

Bon courage à vous, Angéline. Soyons unis les uns les autres dans la prière, ça nous aidera spirituellement
Fraternellement,
Hervé

Merci, Hervé, pour ce mail plein de sages conseils et de réconfort.

Ils vont m'être fort utiles : car notre prochaine réunion est samedi 12 décembre, et je n'ai guère progressé dans la voie de l'oraison, bien que je sois une fervente lectrice de Thérèse d'Avila.

Mais vous avez bien sûr raison : comment comparer nos vies, elle une mystique du 16° siècle, moi une femme ordinaire du 21° avec une vie dont les maîtres mots sont rapidité et performance.

C'est bien pourquoi j'ai rejoint un Groupe de Vie Evangélique : par ma foi et un appel de Notre Dame, bien sûr. Mais aussi pour avoir, une fois par mois, une véritable plage de paix et de recueillement hord du temps.

Votre conseil d'offrir nos manques, nos faiblesses, notre sécheresse de l'âme, à Dieu, est précieux : même si je n'ai rien, ce rien, je peux encore Le lui offrir.

J'ai tenté de réciter le Notre Père en méditant sur chaque phrase, de réciter le rosaire : pareil, les mots se répètent automatiquement après un moment.

Un bon moyen pour moi (enfin : pas "trop pire") c'est de réciter le psaume qui commence par "Dieu, mon Dieu, je te cherche dès l'aube, mon âme a soif de toi, après toi se languit ma chair, terre aride, assoiffée, sans eau"

A propos, j'ai beaucoup de sympathie pour St François d'Assise et les Franciscains. Il faudra m'en parler !

Et quand je n'ai vraiment rien d'autre à dire, je dis juste" Mon Dieu, pardon. Mon Dieu, merci. Mon Dieu, je T'aime"

Bonjour Angéline,

Je suis en démarche pour devenir, comme toi, membre de l’ordre séculier du Carmel. Je serai présenté à la communauté La Flamme Vive de St-Hyacinthe (Canada) lors de la prochaine rencontre qui aura lieu dans deux jours. Je serais très heureux, si nous pouvions partager à l’occasion et nous encourager mutuellement à persévérer dans l’oraison.

J’ignore si cela va t’aider, mais, pour ce qui me concerne, après m’être mis en présence de Dieu, je lis les textes bibliques de la Messe du jour. Je trouve dans le message que véhiculent ces textes de quoi à fixer mon esprit et d’éviter ainsi les distractions ; ces mêmes lectures me permettent aussi de donner une orientation à mon oraison.

L’important, c’est de ne pas utiliser la lecture uniquement pour méditer, mais surtout pour aimer le Seigneur : c’est-à-dire pour lui dire qu’il est grand et qu’il est bon.

Par exemple, le Seigneur nous disait dans l’évangile de ce matin :

Citation :

En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n'en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.

Cette parole m’a amené à louer et célébrer le Seigneur, car elle m’a permis de mieux saisir à quel point nous serons transformés ou divinisés par l’Esprit Saint lors de notre entrée au Ciel. Elle m’a aussi amené à supplier tendrement notre Père céleste, afin qu’il accorde à tous le Royaume des Cieux.

Bonjour Angéline,

Thérèse d'Avila - que j'aime aussi beaucoup - disait qu'il faut laisser "la folle du logis" (l'imagination qui s'agite) vaquer à ses occupations. Il ne faut pas trop donner d'importance à ces vaines pensées qui nous assaillent mais les offrir au Seigneur.

Quelqu'un disait : du haut d'une tour, à l'entrée d'une ville, un démon regarde, les bras croisés, le royaume sur lequel il règne. Dans un monastère, il y a 100 démons qui tournent autours d'une soeur en oraison pour la déranger dans sa prière.

Ne nous étonnons pas d'être constamment distraits dans les moments de prières... l'important est de toujours ramener nos pensées vers le Christ en évitant de culpabiliser. Car plus on culpabilise, plus on se fâche contre soi-même, plus cela démontre que nous sommes encore aux prises avec l'orgueil.

Pour ma part, ma prière est un désert arride depuis... des années. Mais cela renforce davantage ma foi. Le plus important est de ne jamais lâcher... jamais. C'est ce que le démon veut le plus. La liturgie des heures et l'Eucharistie quotidienne sont des voies sûres pour ne pas se tromper.

Fraternellement,
Hélène

Un grand merci à vous tous pour cet échange qui m'apporte beaucoup de richesse intérieure. J'ai vraiment du plaisir à vous lire.
Encore merci...

Merci pour ces témoignages passionnants et fort utiles.

Oui, le livre d'heures rythme mes journées depuis 2 ans : au début, c'était presque une corvée, je dois bien l'avouer.

Petit à petit, c'est devenu un rite immuable, puis un plaisir dont je ne pourrais plus me passer.

Je lis également la messe du jour, et quand je suis seule et au calme, j'invente des mélodies pour chanter les psaumes, en m'arrêtant une ou 2 secondes à chaque verset pour bien me l'approprier, à la manière carmélitaine.

Je suis certaine, maintenant, que vous avez raison : le diable est à l'oeuvre dès qu'une personne choisit une voie vers Dieu, on dirait qu'il ne le supporte pas et met tout en oeuvre pour nous faire revenir en arrière.

Les premiers mois de mon entrée au Carmel séculier, un tas de soucis matériels se sont abattus sur moi : le but était de me faire dire " si c'est comme ça que Dieu remercie ceux qui le servent!".

Pensée réductrice et païenne, de l'ordre du donnant-donnant.

J'ai tenu bon, et j'en ai retiré de grandes joies. Mais le diable rôde toujours pour m'éloigner de l'oraison.

Je vais suivre vos conseils, et comme j'aime les psaumes (je les chante à la messe du dimanche) ils vont me servir de base de méditation.

Un autre conseil que j'apprécie : ne pas lutter contre les pensées terre à terre, ne pas se braquer, se culpabiliser, mais les laisser glisser comme indifférente.

Merci de ces échanges si enrichissants : grâce à vous tous, j'ai plus progressé en 2 jours qu'en 2 ans de luttes intérieures