Mépriser la passion du Christ?

Bonjour à tous,

je voulais vous partager une réflexion et vous demander votre avis. Jusqu'à hier soir, j'ai prié les 15 oraisons de Sainte Brigitte et le chapelet de la miséricorde en croyant dur comme fer que je pouvais me réfugier derrière les mérites de Jésus-Christ pour mon salut.

Or, depuis quelques jours, j'ai souvent en tête comme un "clip" de Jésus cherchant son souffle sur la croix, le visage tout sanguinolent. Devant ce "clip" je me sentais empli de consolation et d'espérance, parce que je voyais mon sauveur payer pour ma dette... Or voilà qu'hier soir, je voyais la même "clip" et comme je pensais pouvoir m'élancer vers mon sauveur, j'ai pris conscience de combien j'avais peu de considération pour la souffrance qu'Il vivait...

Ma réflexion, la voici, peut-on vraiment obtenir le pardon dans les mérites de Jésus-Christ sans prendre pleine conscience de ce que ce sont nos péchés qui l'ont crucifié? J'ai remarqué que Le voyant ainsi, j'étais heureux pour le salut que j'obtenais... Alors que dans le font, ne dois-je pas plutôt être tordu de douleur qu'un innocent subisse ainsi le châtiment qui doit me revenir?

La contrition peut-elle se faire sans cette prise de conscience?

Cher David,

C'est du lourd ce que tu nous dit là.
Peut-être Jésus veut-il que tu le contemples ainsi, mais il veut aussi que tu en ressentes de la consolation; puisqu'Il est tout miséricordieux. Notre Seigneur se montre ainsi, souffrant pour nous, mais pas dans le but que nous culpabilisions; je pense que c'est une grâce que tu puisses le voir ainsi. Je comprends bien ton sentiment, c'est très mystique, mais je comprends.
Je t'embrasse bien fort.

Françoise

Maintenant Jésus est réssucité , et il ne doit pas regretter d'avoir souffert ainsi pour avoir sauvé le monde .

Une femme qui accouche ne pense même plus à ces souffrances quand le bébé est né . Et elle est prête à le refaire pour donner vie une autre fois .

Je suis certain que Jésus c'est pareil .

Montrer sa compassion au Christ , ca ne se fait pas juste avec ses souffrances sur la croix , mais c'est montrer de la compassion à ceux qui souffre aujourd'hui en ce moment même et à ceux qui vont souffrir .

Chaque chose que l'on aura fait à lUn de ces petits , c'est à moi que vous l'aurez fait ...

Je pense qu'il faut prendre garde de ne pas laisser dévier son regard intérieur. Le centre d'attention de ton coeur, ce doit être celui de Jésus. Si le tien te condamne, Dieu est plus grand que ton coeur (1 Jean 3, 20).

"C’est une grande grâce que celle-là et je prie Jésus de te l’enseigner, car là seulement se trouvent la paix et le repos du cœur. Quand on se voit si misérable on ne veut plus se considérer et on ne regarde que l’unique Bien-Aimé !"

http://paroisses89.cef.fr/montreal/spip.php?article13

Père de Condren, successeur du Cardinal de Bérulle à la tête de l'Oratoire de France : "Il faut fuir comme la peste la considération de soi-même et de ses péchés".

Je ne réponds peut-être pas à ta question, mais je voulais souligner ce qui peut être un risque subtil.

Je crois que GPTF a de très bonnes remarques en ce sens, pris de l'autre bout.

David,

Je comprends tout à fait ton bouleversement devant la Passion du Christ et tu as raison de te "frapper la poitrine" en méditant les oraisons de Sainte-Brigitte (les larmes de contrition sont de grandes eaux purificatrices). La première année de ma conversion (dès les premiers jours), j'ai commencé aussi à les méditer... j'en ai eu pour un an à pleurer mon péché (mes nombreux péchés et ruptures d'Alliance). Si je pleure moins maintenant, ce n'est pas que je suis moins pécheresse et que je ne crucifie plus le Christ quotidiennement, non, c'est que mon coeur s'est endurci ! Mais aussi, j'ai cessé de m'illusionner sur moi-même : Il m'aime d'un Amour sans mesure quoi je ressente. Heureusement, chaque année durant le Carême et la Semaine Sainte, chaque vendredi, la liturgie de l'Église nous donne à regarder en face où notre péché a conduit Jésus. Mais... il ne faut jamais oublier que son plan de salut n'est pas et n'a jamais été de nous culpabiliser (la culpabilité ne vient pas de Dieu) mais pour nous libérer de la culpabilité. Bien sûr que nous sommes tous coupables (responsables de notre péché...mais aussi victimes d'être nés dans un monde marqué par le péché) ! Raison de plus pour rendre grâce et accueillir le Pardon offert. Il n'a strictement rien demandé en retour : c'est totalement gratuit. Et là... c'est dur à accepter. Car nous voulons marchander. Le plus beau cadeau que nous pouvons lui faire est d'accueillir Sa Miséricorde, offerte gratuitement. Il a voulu aller jusque là, assumer notre humanité jusqu'au bout et jusque dans l'ultime conséquence de notre péché : la mort. Mais... la mort par la Passion n'a pas le dernier mot. S'Il n'est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des hommes comme dit saint Paul. C'est donc... qu'il faut accueillir la Passion comme un don gratuit et Le laisser planter sa Croix glorieuse dans toutes les terres de notre vie (corps, âme, psychisme blessé, coeur, esprit)... afin qu'Il nous relève de toute mort.

Je t'offre l'homélie du jour du père Joseph-Marie... il me semble particulièrement parlant :

Homélie
Jésus invite ses apôtres, « bouleversés » à l’annonce du départ de leur Maître, à se ressaisir. Face à la mort imminente, devant laquelle tout homme est démuni, seule l’espérance d’une intervention divine permet de dépasser l’angoisse qui nous saisit spontanément. Aussi lorsque Jésus établit un parallèle entre « croire en Dieu » et « croire en lui », c’est déjà le sens salvifique du drame qui se prépare qu’il annonce. Le Dieu auquel croit Israël est en effet le Dieu sauveur de son peuple, celui qui lui a manifesté sa bienveillance en le libérant du pouvoir de Pharaon roi d’Égypte. Par le parallélisme qu’il établit, Jésus invite ses proches à lui faire confiance et à le suivre sur le « chemin » qu’il ouvre devant eux, en prenant modèle sur les descendants de Jacob qui traversèrent la Mer Rouge à la suite de Moïse. Seule la foi en l’Envoyé du Père, qui va traverser pour nous les grandes eaux de la mort, permet d’accéder au rivage de la vie éternelle. De même que chaque tribu s’est vu attribuer par Moïse une part d’héritage en Terre promise, ainsi tous ceux qui auront fait confiance au Christ « pourront trouver leur demeure » dans la Jérusalem céleste où il nous attend. Notre-Seigneur ne demeure cependant pas passif après sa victoire pascale : son désir ardent de nous voir le rejoindre le presse à « revenir nous prendre avec lui ». Il ne saurait être question d’une nouvelle incarnation du Verbe : il s’agit plutôt de la venue de l’Esprit Saint, chargé de « nous introduire dans la vérité toute entière » (cf. Jn 16, 13) en nous donnant part à la vie du Fils unique, et en nous aidant à progresser sur le chemin sur lequel il nous précède. Car le témoignage que Jésus rend à la vérité (cf. Jn 18, 37) n’est pas de nature conceptuelle : pour nous « il s’est consacré lui-même afin que nous soyons, nous aussi, consacrés par la vérité » (Jn 17, 19). Sur l’autel de la croix, il s’est laissé consumer par l’Amour divin qui brûlait en son cœur ; il a offert notre humanité qu’il récapitulait en lui, « en sacrifice saint capable de plaire à Dieu », voilà pourquoi « personne ne va vers le Père sans passer par le Christ ». Nous retrouvons l’image de la « porte des brebis », à laquelle Jésus s’identifie par deux fois au chapitre X du quatrième évangile (Jn 10, 7.9). Le Bon Berger s’efface « dans » la porte à laquelle il s’identifie, soulignant ainsi son total désintéressement : il est exclusivement serviteur de la liberté de ses brebis qu’il veut sauver des voleurs meurtriers, en ouvrant une brèche dans leur bergerie carcérale. Le Vrai Pasteur poussera même la solidarité jusqu’à se faire Agneau, afin que les brebis puissent « passer par lui » - car on ne peut s’identifier qu’au ressemblant. Traverser une porte symbolise également une naissance. C’est bien ce que Jésus suggérait à la brebis d’Israël nommée Nicodème : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3, 3). Croire c’est oser s’identifier au Christ, de manière à pouvoir dire avec Saint Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, mais Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
Jésus nous propose de vivre ce « passage » dans chaque Eucharistie : « revenant nous prendre avec lui », il se donne à nous en « viatique » afin que par notre communion, nous trouvions en lui la force de poursuivre notre route sur le vrai chemin de la vie.

« Dieu à qui nous devons le salut et la liberté, écoute le cri de notre prière : puisque tu nous as rachetés par le sang de ton Fils, fais que nous puissions vivre de toi et trouver en toi le bonheur éternel, par Jésus, le Christ, notre Seigneur » (Or. d’ouv.).

Père Joseph-Marie