Éh bien, moi non plus, je ne vous "condamne pas" (il ne manquerait plus que cela, franchement, après tout ce que vous avez souffert!), au contraire. Vous avez aimé, vous avez donné la vie. J'aurais belle mine de venir vous le reprocher.
D'autant que je serais plutôt mal placée, n'est-ce pas, puisque je suis divorcée et remariée et que, de surcroît, je n'ai pas d'enfant.
Nous faisons des choix, dans cette vie, avec, d'ailleurs, plus ou moins de latitude dans ces choix. Mais quelquefois, ils s'imposent à nous et nous ne voyons pas comment faire autrement, malgré même d'intenses prières, et un désir de rester "dans les plots", dans ce qui fait l'apparence du bon chrétien. J'en sais quelque chose, moi aussi.
Une soeur carmélite que j'aime énormément m'a envoyé un texte, au moment où je songeais à me séparer de mon époux actuel (le seul que j'aie véritablement pu regarder comme un époux, du reste, je le sais à ce jour.) plutôt que de l'épouser à la mairie. "Hors-la-loi", exclue, canard boiteux, lâche, faible... tout m'accablait à cet instant, si je passais à la mairie, si je demeurais avec lui. Moi, la catho intégrale, née et nourrie dans les plus saintes apparences de l'éducation chrétienne, catéchiste, membre actif de l'ACAT et de tant d'autres actions, j'allais passer "du côté obscur de la Force", j'allais me faire mécréante, j'allais donner la sensation de suivre les plus bas instincts au détriment de l'Amour de Dieu.
Et après m'être copieusement faite sermonner à ce sujet par des membres du clergé qui ne voyaient pas du tout les choses par le petit bout de ma lorgnette pessimiste, je l'ai pourtant fait.(1)
Je l'ai pourtant fait, pour ne pas briser deux vies qui, désormais, s'épanouissent ensemble dans l'Amour de Dieu et le respect (autant que faire se peut) du Magistère de l'Église - je ne communie plus sous les espèces du pain et du vin, ne reçois aucun Sacrement, etc. J'obéis, et de bon coeur, puisque cela plaît au Seigneur de me savoir obéissante.
Et je me permets de copier ici ce texte pour vous, ce texte précieux qui a sauvé deux vies promises à l'échec, tout en les basculant officiellement "hors-la-loi".
Qu'il vous fasse, si possible, autant de bien et de soulagement qu'il m'en a fait à moi, chère Ange. Je mets en gras le passage qui m'a paru si important, car seul le Seigneur Dieu, au final, connaît la sincérité de vos actes. Aucun être humain sur cette terre n'est apte à les comprendre ni à les juger. Seul le Seigneur Dieu sonde "les reins et les coeurs". Et même s'il convient toujours d'obéir au mieux aux lois de l'Église, l'obéissance n'exclut sûrement pas l'espérance. Les Lois de l'Église sont édictées pour que tous trouvent des repères, mais les cas individuels, c'est notre Père qui les voit et les juge, Lui Seul connaît le fond de nos âmes. Les Lois permettent à tous de ne pas trop s'écarter du droit chemin, mais la Justice est là aussi pour justifier ceux qui, sans respecter véritablement les Lois, n'ont pas eu l'intention de mal faire, animés peut-être même par les meilleures motivations du monde. De plus, ce n'est même pas la Justice qui nous jugera, mais l'Amour...
"Extrait d'Amour sans limites
(un moine de l'Église d'Orient)
Je parle, mon enfant, d'un amour authentique, de l'Amour qui vient de Dieu et qui va vers Dieu en passant par les hommes. Il s'agit de l'Amour vrai et donné, tout autre que l'ébranlement émotionnel d'un moment.
Apprends, mon enfant, à discerner où est l'Amour. Vois et apprécie les situations en pleine lumière. Une situation peut sembler "régulière" aux yeux des hommes et n'être point régulière à mes yeux. Une situation peut être valide devant toutes les lois et être cependant invalide devant moi. Inversement telle situation que les hommes peuvent juger irrégulière ou coupable est sans faute devant Dieu.
Aucune autorité humaine n'est juge de l'Amour. C'est moi, le Seigneur Amour, qui suis le seul juge infaillible des coeurs. Souviens-toi toujours de cela. Vois comme mes pauvres enfants se débattent dans la confusion, lorsqu'il s'agit des problèmes les plus personnels, les plus intimes. Ils ne discernent pas la vérité intérieure d'une situation. Ils ne reconnaissent pas où est l'Amour authentique. Vois par exemple leurs attitude dans les matières de mariage, de divorce, d'adultère... Où est la vérité, où est l'intention, où est le consentement réel? Au-delà, au-dessus des formes extérieures les plus correctes, combien de fois tout repose sur le mensonge! Où est la lettre? Où est l'esprit? Où est ce qui tue? Où est ce qui vivifie? Mon enfant, marche dans la vérité, marche dans la lumière."
Vous trouverez toujours des gens pour vous juger, pour, sans vous connaître, sans avoir la moindre compréhension de vos luttes, de vos souffrances, voudront nouer sur votre dos des fardeaux qu'ils seraient, eux-mêmes, bien incapables de porter.
Mais vous trouverez aussi des gens qui vous aimeront et qui vous admireront pour votre courage, votre ténacité à donner la vie quand d'autres ne pensent qu'à s'en défaire, de toutes les manières que ce soit.
Moi, je vous aime et j'aime vos enfants. Et si moi qui suis si imparfaite, j'éprouve cela, je ne doute pas une seconde que le Seigneur éprouve pour vous et toute votre famille un Amour immense et indicible.
J'ajouterai que le Maître de la Vie ne semble avoir rien opposé à ce que vous la portiez, puis, que vous la donniez à des petits êtres que vous aimez de tout coeur et qui vous aiment.
Si, Tout-Puissant, Il n'a mis aucun obstacle à la venue au monde de vos enfants, il me semble que c'est qu'Il Lui plaisait sûrement de les voir vivre et grandir, devenir de bons chrétiens entre vos mains et celles de votre époux. (Cette vision des choses n'engage que moi, bien sûr, je ne peux pas parler en lieu et place de notre Père. Mais il me suffit de savoir qu'Il est notre Père pour être sûre de Son Amour pour vous).
Chère Ange, soyez heureuse, en Paix. Si quelqu'un vous condamne, qu'il s'avise de se souvenir que de la mesure dont il/elle aura jugé, il/elle sera un jour jugé/e à son tour.
Pardon d'avoir été si longue, je ne voulais rien omettre et c'est trop important pour répondre à la sauvette.
Bien affectueusement dans le Seigneur,
votre soeurette
Dans l'Espérance, nous sommes sauvés
(et ce n'est pas un vain mot, nous pouvons tous y croire
)
(1) des membres du clergé, veux-je dire, qui m'ont encouragée à ne pas massacrer ma relation actuelle. C'étaient des gens qui voyaient l'Amour au-delà des apparences.