Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 6,1-5.
Un jour de sabbat, Jésus traversait des champs de blé ; ses disciples arrachaient et mangeaient des épis, après les avoir froissés dans leurs mains.
Des pharisiens lui dirent : « Pourquoi faites-vous ce qui n'est pas permis le jour du sabbat ? » Jésus leur répondit : « N'avez-vous pas lu ce que fit David un jour qu'il eut faim, lui et ses compagnons ? Il entra dans la maison de Dieu, prit les pains de l'offrande, en mangea, et en donna à ses compagnons, alors que les prêtres seuls ont la permission d'en manger. »
Jésus leur disait encore : « Le Fils de l'homme est maître du sabbat. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Au début de sa mission, Jésus va constamment ménager les pharisiens qui le suivent, comme autant d’inquisiteurs qui prétendent vérifier que le nouveau prédicateur, dans l'une quelconque de ses paroles, ne contrevient pas aux règles en vigueur dans la pratique de la religion instituée. Dans la scène d'aujourd'hui, que j'apprécie particulièrement - avec ces hommes qui marchent en plein soleil au milieu des blés mûrs, c'est un point du Deutéronome qu'ils soulèvent. On trouve, en effet, en Dt. 23,25) : "Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras arracher des épis avec ta main; mais tu ne lèveras pas la faucille sur les blés de ton prochain."... Leur rappel à l'ordre, dans le cas précis tient donc d'une exagération outrancière, car leur accusation assimile ce qui est permis par la Loi à ce qui n'est pas permis: moissonner.
A cette provocation, Jésus va répondre, très simplement : si le roi David a pu se permettre carrément de nourrir sa troupe avec les pains d'offrande déposés au temple, alors pourquoi pas le "fils de l'homme", qui est bien plus que David, puisque l'inventeur du repos de Sabbat, c'est lui ! Les pharisiens s'en retourneront en se grattant la barbe et en se demandant : qui est ce "fils de l'homme' auquel il fait référence et qu'il déclare 'maître du Sabbat" ? Jésus les a donc bien ménagés - la confrontation ouverte n'aura lieu que plus tard.
Le Sabbat est comme notre dimanche, un jour durant lequel on se repose, où l'on se souvient des multiples gestes de Miséricorde de Dieu envers son peuple; c'est une occasion pour les familles de se retrouver et de se réjouir. Jésus dira encore : "Le sabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le Sabbat". Car déjà à cette époque, la compréhension toute simple du Sabbat avait donné naissance à une multitude d'interdits (*) qui, aboutissaient en fait à réduire à rien la perspective du repos de ce jour. Jésus relèvera cet état des règles qui confine à l'absurde: "Quiconque parmi vous, si son fils tombe dans un puits, n'ira pas aussitôt l'en retirer le jour du Sabbat !" Et il proposera aux foules de devenir ses disciples, car "Oui, mon joug est simple et mon fardeau léger, et vous trouverez du repos pour vos âmes !"
Selon la Michna chabbat 7:2, les activités interdites le jours du Sabbat sont les suivantes - et je me suis amusé à en relever quelques-unes, dont il saute aux yeux que le "repos obligatoire" devient un inconvénient majeur:
Labourer
Semer
Moissonner (ou cueillir)
Lier en gerbes (amasser)
Battre les céréales pour les dégager
Vanner au vent
Trier pour séparer grains et déchets
Passer au crible pour trier
Moudre
Pétrir
Cuire au four
Il n'est donc pas permis de réchauffer un plat le jour du repos.
Tondre
Laver la laine
Peigner la laine
Teindre la laine
Filer
Ourdir
Faire des boucles de tissage pour lier
Tisser deux fils
Séparer deux fils de la trame
Faire un nœud
Défaire un nœud
Il est donc interdit de défaire une ceinture trop serrée d'un vêtement;
Ni de détacher son âne pour lui donner à boire.
Coudre deux points
Découdre : Interdit de réparer son vêtement de travail
Capturer
Abattre la bête (tuer) : Pas de chasse aux nuisibles.
Écorcher ou dépecer
Tanner
Racler
Tracer des traits :
On ne peut ni écrire une lettre, ni dessiner - ce serait travailler....
Découper la peau
Écrire plus de deux signes ou lettres
Effacer plus de deux signes ou lettres
Autant apprendre le langage des sourds-muets !
Gratter le parchemin pour écrire dessus
Construire
Démolir (en vue de bâtir)
Éteindre un feu
Allumer un feu
: si éteindre un feu est interdit, se laisser mourir
dans l'incendie
Finir une œuvre
Transporter
Après avoir pris connaissance de toutes ces petites règles, qui vont à l'encontre du simple bon sens, en certains cas, on comprend mieux que Jésus ait dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » (Saint Matthieu 11, 28-30)
Et en saint Luc au chapitre 13, quelle dénonciation de l'hypocrisie !
St-Luc chapitre 13
Jésus était en train d'enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat.
Il y avait là une femme, possédée par un esprit mauvais qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser. Quand Jésus la vit, il l'interpella : « Femme, te voilà délivrée de ton infirmité. » Puis, il lui imposa les mains ; à l'instant même elle se trouva toute droite, et elle rendait gloire à Dieu. Le chef de la synagogue fut indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat. Il prit la parole pour dire à la foule : « Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. » Le Seigneur lui répliqua : « Esprits faux que vous êtes ! N'est-il pas vrai que le jour du sabbat chacun de vous détache de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ?, Et cette femme, une fille d'Abraham, que Satan avait liée il y a dix-huit ans, n'est-il pas vrai que le jour du sabbat il fallait la délivrer de ce lien ? » Ces paroles de Jésus couvraient de honte tous ses adversaires, et toute la foule était dans la joie à cause de toutes les actions éclatantes qu'il faisait.