Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 46-56)
Marie rendit grâce au Seigneur en disant :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s'est penché sur son humble servante ;
désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ;
Saint est son nom !
Son amour s'étend d'âge en âge
sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras,
il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes,
il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés,
renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur,
il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères,
en faveur d'Abraham et de sa race à jamais. »
Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s'en retourna chez elle.
Cy Aelf, Paris
Il est question de force, dans ce Magnificat. Dieu déploie la force de son bras, voici une formule qui sonne à l'oreille et à l'imagination comme une puissance dévastatrice... Or, c'est toujours d'amour qu'il s'agit. Cette puissance n'est pas à considérer de manière humaine.
Par exemple, combien de fois les textes de l'ancienne alliance n'évoquent-ils pas la traversée de la mer rouge à pied sec ! Prodige inouï, Dieu ayant soufflé sur les eaux pour que son peuple puisse fuir devant la cavalerie de Pharaon. C'est vrai, mais l'on s'attarde trop sur la manifestation de puissance, alors que c'est par son cœur rempli de miséricorde que le Seigneur a permis cela. Et dans d'autres nombreux textes, les ennemis d'Israël sont vaincus car "le Seigneur combattait à leur côté".
Les mots qui ont touché mon cœur aujourd'hui, c'est la "dispersion des superbes". Dispersion, comme une cohésion qui se défait. Dans la dispersion des superbes, je vois mes sentiments contraires - d'agressivité, d'antipathie, de rejet, de colère même, mais qui, par un
léger souffle de l'Esprit, peuvent d'un seul coup fondre en pardon, en pardon, en pitié et en embrassement. Une mère, lorsqu'elle a cru son enfant en danger, ne commence-t-elle pas par crier pour mieux embrasser ensuite ? Cette image de Dieu est évidemment plus claire pour moi que la - saignante - victoire des armées.
Tous ces "superbes" que la miséricorde divine va disperser, ce sont vous comme moi. Ce sont nous tous qui avons une haute opinion de nous-mêmes, qui imaginons qu'aucun malheur ne peut nous atteindre, que ce qui arrive aux autres est de leur faute, que nous sommes à ce point intelligents que l'erreur n'est pas pour nous. A cette superbe correspond tôt ou tard une immense déconvenue - une déception fondamentale, mais salvatrice. N'en est-il pas ainsi dans tout l’Évangile ? Le Magnificat illustre bien ces paraboles dans lesquelles Jésus conclut souvent en renversant la logique des hommes : tout ce qui s'abaisse sera élevé, tout ce qui s'élève sera abaissé. Beaucoup des premiers seront les derniers, et des derniers les premiers. Celui qui veut être grand, qu'il soit votre serviteur. Celui a qui l'on pardonne peu, aime peu. Etc.
Le Magnificat entame réellement l'annonce de la bonne Nouvelle : tout ce qui se voit n'est qu'apparence, tout ce qui est réel demeure caché.
Dieu est Amour, Dieu est Lumière... et la Lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne peuvent la contenir. Mais changez vos vies et vous yeux s'ouvriront. Tout est déjà dit ici...