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| L'Abbé Pierre et sa vision de la mort | |
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boisvert Martyr du forum
| Sujet: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Ven 17 Fév 2012 - 6:07 | |
| Dans cet ouvrage, j'ai trouvé des textes, les uns cités par l'Abbé Pierre, d'autres qui sont de sa main, mais qui ont tous trait à la mort, sujet difficile s'il en est, mais à propos duquel il avait un point de vue original et finalement assez rassurant. C'est édité dans la collection 'Espaces libres' chez Albin Michel : Comme j'en ai pris l'habitude depuis 2007, je feuillette avec un crayon à la main et je partage mes trouvailles jour après jour. . | |
| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Ven 17 Fév 2012 - 6:15 | |
| Petit résumé de la préface:
Préface
"Dans l'Antiquité, en particulier chez Sénèque, il existait un genre littéraire à part que l'on nommait la "consolation" : les lettrés bien intentionnés avaient l'habitude de rédiger pour leurs amis frappés par le deuil une "consolation". Évidemment, les mêmes idées revenaient souvent. Aucun de nous n'est éternel. Réjouissons-nous d'avoir connus les êtres que nous avons aimés. Espérons ce jour de lumière où nous les retrouverons. Etc.
C'est au noble genre antique que la poésie française doit donc l'une de ses plus belles compositions. Monsieur du Perrier, avocat au parlement d'Aix-en-Provence, vient de perdre sa fille. Et Malherbe, l'un des meilleurs amis de Du Périer, lui adresse ces stances passées à la postérité:
Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ? Et les tristes discours Que te met en l’esprit l’amitié paternelle L’augmenteront toujours ?
Le malheur de ta fille au tombeau descendue Par un commun trépas, Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se retrouve pas ?
Je sais de quels appas son enfance était pleine ; Et n’ai pas entrepris, Injurieux ami, de soulager ta peine Avecque son mépris.
Mais elle était du monde, où les plus belles choses Ont le pire destin ; Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L’espace d’un matin.
(...)
La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles : On a beau la prier, La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier.
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre Est sujet à ses lois, Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N’en défend point nos rois.
De murmurer contre elle, et perdre patience, Il est mal à propos ; Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science Qui nous met en repos.
"L'Abbé Pierre nous laisse bien plus qu'un ensemble rhétorique pour affronter ce que nous considérons comme l'épreuve ultime. Au premier chef, il nous donne l'énergie pour regarder la mort en face, la nôtre et celle des autres. Regarder la mort en face, en accepter l'idée, c'est déjà l'apprivoiser. Les textes de l'Abbé Pierre nous apportent une sérénité face à ce qui nous effrayait, nous angoissait, nous déroutait. Ces textes nous enseignent à affronter le monde avec le sourire communicatif de ceux qui ont la force en eux.
Nos esprits ne cessent d'opposer naturellement la vie à la mort. Les deux notions créent ainsi un couple antinomique autant que tragique. En réaction, l'Abbé Pierre nous enseigne que l'on ne réussira sa mort que si l'on réussit sa vie en se préparant à la quitter. Plus que de nombreux auteurs qui ont pensé la mort, l'Abbé Pierre nous console et nous apprend à nous libérer de notre détresse.
Cet ouvrage a été composé à partir d'une relecture de l'oeuvre de l'Abbé Pierre, mais aussi des textes, des phrases courtes ou des méditations qui l'ont inspiré.
Comment Henri Grouès a-t-il perçu et analysé la mort au cours des expériences directes qu'il en a eues ? Quelles sources intellectuelles l'ont amené à élaborer cette pensée positive sur la mort ? Il a d'abord été influencé par de grands modèles: François d'Assise, Thomas d'Aquin, Vigny, Psichari, Teilhard de Chardin, Baudelaire, Péguy... autant d'auteurs fructueux dans leur qualité de réflexion dont la lecture a été propice à l'écolosion d'une pensée originale et dynamique. Enfin ont été choisi des faits, des anecdotes, des détails, paroles courtes, simples et denses. Le voeu de l'Abbé Pierre était qu'ils aident ses semblables à affronter l'idée de la mort avec une sérénité profonde, définitive et communicative. (A.N.)
(J'espère que ce petit travail que j'entreprends pourra assister ceux et celles qui parmi nous ont vécu la fin difficile de malades proches - une de mes tantes est décédée d'un cancer, ou qui craignent la mort ... et j'avoue que je crains surtout la solitude de la fin... pourront puiser dans les mots rassemblés par l'Abbé Pierre, une autre vision des choses). Rien n'empêche d'ajouter vos propres découvertes ou extraits de lectures !) | |
| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Ven 17 Fév 2012 - 10:22 | |
| Si son discours sur la mort est hautement positif quand il s'agit de de la disparitions de personnes âgées, l'Abbé Pierre a dénoncé haut et fort des morts qualifiées d'inacceptable.
"Lorsque l'on a vu souffrir, pâlir de petits enfants, il n'est pas possible, à moins d'être un monstre, de ne pas être hanté, de ne pas se trouver lié, étranglé, par leur injuste mal de tout-petit, du tout innocent. Qui peut dormir en paix pendant que souffrent les petis enfants ?"
(Dans "Mes images de misère, de bonheur et d'amour", Fixot 1994)
Ci-après, lettre publiée dans le Figaro du 7 janvier 1954 sous le titre: "Marc, le petit bébé de la cité des Coquelicots" :
Monsieur le Ministre, Le petit bébé de la cité des Coquelicots, à Neuilly-Plaisance, mort dans la nuit du 3 au 4 janvier, pendant le discours où vous refusiez es "cités d'urgence", c'est à 14 heures, jeudi 7 janvier, qu'on va l'enterrer. Pensez à lui. Ce serait bien si vous veniez parmi nous à cette heure-là. On n'est pas des gens méchants. On ne vous recevrait pas mal, croyez-moi. On sait bien que "vous ne vouliez pas çà" en renvoyant à dans trois ans ceux qui couchent sous les ponts au sortir de l'usine (...)
Le ministre, Maurice Lemaître vint assister aux obsèques et promit à l'Abbé Pierre de débloquer des crédits pour des cités d'urgence. Celles-ci furent inaugurées le 30 avril 1955. | |
| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Lun 20 Fév 2012 - 6:16 | |
| Le combat de l'Abbé Pierre contre la misère sociale profonde qui entraîne des décès ne s'est pas arrêté en 1954, comme en témoigne cet extrait d'une conférence de presse en novembre 1993. Il faut noter chez lui la même intensité de sentiment, quarante ans plus tard, quand il déclare: "Oh ! J'ai compris ce que c'est qu'un homme qui se recroqueville pour mourir au milieu de notre société de civilisés. Autant un homme, lorsqu'il est debout, c'est quelque chose d'envahissant, qui remplit tout l'horizon; autant un homme, lorsqu'il est étendu sur le sol, se cachant en quelque sorte pour souffrir et pour mourir, c'est quelque chose d'indicible, d'insignifiant, de dérisoire. Mais ce quelque chose de dérisoire en apparence, un jour, au jour de Dieu, cela se dressera de nouveau pour nous accabler et nous condamner".
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| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Lun 20 Fév 2012 - 6:17 | |
| Georges, le premier compagnon d'Emmaüs
"Un jour, on m'appelle au secours, un homme a voulu se suicider. J'ai trouvé un homme horriblement malheureux. C'était un assassin, vingt ans avant, il avait tué son père. Oh! Pas pour l'argent, mais dans un moment de colère désespéré. Il a été condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il est parti à Cayenne. Après vingt ans, il est gracié parce qu'il a sauvé quelqu'un dans un incendie. Il rentre, va chez lui, dans la maison dont il est propriétaire, et il découvre que sa femme, qui lui avait toujours écrit avec amitié, vit depuis dix ans, à son insu, avec un camarade de bagne rentré avant lui. Un fils est né de cette union, il porte son nom puisqu'il n'y avait pas eu de divorce. Il avait aussi hâte de voir sa fille, le bébé attendu qui n'était pas encore né quand il est parti au bagne. Elle est maintenant une grande jeune fille de vingt ans. Mais à son arrivée, affaibli par le paludisme, un peu tuberculeux, un peu alcoolique, il est comme une épave; et il comprend qu'il a déçu, peut-être dégoûté son enfant qui s'était fait une image idéalisée. Alors, il s'enfuit, il ne veut plus vivre, il veut se tuer.
Quand je lui parle, il n'écoute rien. Il n'a qu'une pensée: recommencer son suicide. C'est alors que va naître ce qu'est le mouvement Emmaüs. J'ai fait le contraire de la bienfaisance, sans calcul, mais parce que c'était la vérité. Je lui ai dit: "Tu es horriblement malheureux, et moi je ne peux rien te donner, je n'ai rien que des dettes. Mais toi, puisque tu veux mourir, tu n'as rien qui t'embarrasse, ne veux-tu pas me donner ton aide pour sauver ces autres qui attendent ?" Alors, la figure de Georges, qui deviendra le premier compagnon d'Emmaüs, se transforme.
Quinze ans plus tard, avant de mourir, Georges me dit: "Père, vous m'auriez donné n'importe quoi, du travail, du pain, une maison, de l'argent, j'aurais recommencé à me tuer, parce que ce qui me manquait, ce n'était pas de quoi vivre, mais des raisons de vivre".
("L'homme ne vit pas que de pain...")
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| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Lun 20 Fév 2012 - 6:18 | |
| L'Abbé Pierre déclare: "J'ai eu le privilège, rare, d'être seul, auprès de mon père, de ma mère, et plus tard de Mlle Coutaz (co-fondatrice d'Emmaüs), dans leurs derniers moments, leur tenant la mais, sentant leur pouls jusqu'à l'ultime battement de leur coeur. Ni pour mon père, ni pour ma mère, ni pour Mlle Coutaz, je n'ai versé de larme. Ils sont morts, oui, "ils sont ailleurs". C'est comme si on m'avait dit: "Ils sont partis sur la Côte d'Azur."
(La Côte d'Azur - c'est un très beau mot. Encore un souvenir personnel: lorsque j'ai vu le corps de mon père après son décès, en compagnie de ma mère et de ma sœur, nous avons vu un corps 'tout apaisé'. Comparé à ce qu'il paraissait quelques jours plus tôt, son visage était extraordinairement paisible et chacun d'entre nous, sans consulter les autres a failli dire, ce que ma mère a lâché la première : "on dirait qu'il dort simplement et qu'il est sur le point de se réveiller"...)
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| | | boisvert Martyr du forum
| Sujet: Re: L'Abbé Pierre et sa vision de la mort Lun 20 Fév 2012 - 6:19 | |
| "Pour une émission de télévision, un soir, j'arrive seul dans les studios. Des tas d'inconnus me congratulent et me font part de leur admiration. Patrick Poivre d'Arvor me dit: "Mon père, çà ne doit pas être très marrant". Je lui ai répondu: "Essayez de comprendre à quel point c'est humiliant." Cela l'a frappé et il m'a reposé la question devant les caméras. Je me suis expliqué: "Nous tous, les êtres humains, nous avons besoin d'avoir des modèles qu'on aime. Pour les uns, sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, pour d'autres Mère Téresa ou Napoléon. Mais quand, dans mon cas, on est l'objet d'admiration, c'est très pénible. Moi, je me sens l'instrument de Dieu. Et les hommes, dans leur gentillesse, m'attribuent ainsi une perfection qui n'est pas la mienne. A moins d'être un crétin, je sais bien que je ne suis pas à la hauteur de ces actes divins qui se sont réalisés à travers moi. Je connais mes péchés, mes défauts. Voilà pourquoi je me sens humilié: cela m'oblige à prendre conscience de ce que je devrais être et que je ne suis pas".
(Note perso: lorsque l'on se sent humilié ainsi, c'est à ce moment qu'on est proche de l'humilité parfaite)
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