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 Film : La neuvaine

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2 participants
AuteurMessage
Hélène
Administrateur
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Hélène



Film : La neuvaine Empty
MessageSujet: Film : La neuvaine   Film : La neuvaine Icon_minitimeDim 1 Oct 2006 - 10:33

Film : La neuvaine Neuvaine

J'ai vu un film absolument sublime hier soir dont j'espère qu'il sera distribué en France pour que ceux qui sont là bas puissent le visionner. C'est l'histoire de cette femme, Jeanne, docteure agnostique, qui a perdu le goût de la vie suite à une série d'épreuves dramatiques (entre autre de se sentir coupable du meurtre de sa patiente et son enfants par un conjoint violent et le traumatisme de la scène) et qui part à la campagne pour mettre fin à ses jours. Elle se retrouve à Sainte-Anne de Beaupré, ce sanctuaire dédié à sainte Anne, et, au moment où elle s'apprête à se jeter à l'eau, elle fait la rencontre de François, un jeune homme, simple et gentil qui a la foi et qui est venu faire une neuvaine pour sa grand-mère mourrante... rencontre qui fera peu à peu revenir Jeanne (Élise Guilbeault...magnifique) à la vie...et peut-être à la foi. C'est la première fois que je vois un film Québécois où la religion catholique n'est pas ridiculisée et l'auteur a su trouver le ton juste pour parler des sujets qui pèsent tant à notre humanité : la mort, la souffrance, l'espérance, la maladie, la foi... vraiment, un film à voir.

Ce qui est étonnant dans tout cela, c'est que Bernard Émond, le producteur n'est pas particulièrement croyant...C'est un homme intelligent... je vous livre l'entretien avec lui :

Citation :
LA NEUVAINE
Entretien avec Bernard Émond

Vous avez réalisé une dizaine de documentaires avant de passer à la fiction avec La Femme qui boit puis 20 h 17 rue Darling. Où se place La Neuvaine dans votre cheminement de cinéaste? Qu’avez-vous senti le besoin d’exprimer?

Je vais de plus en plus vers des thèmes philosophiques ou, disons plus simplement, vers un questionnement sur le sens de l’existence, un questionnement autour de Dieu que vous retrouverez à la fin de La Femme qui boit et dans 20 h 17 rue Darling. Aussi, j’ai l’impression d’être dans une culture qui s’autodétruit. Je suis de la dernière génération dont l’éducation créait des liens avec les grandes cultures européennes, avec une culture millénaire qui donnait des réponses aux questions fondamentales de l'existence. Deux générations plus tard, au Québec, ça a pratiquement disparu. Nous vivons dans un monde qui a perdu ses repères. C’est ce qu’analyse Pasolini dans ses derniers textes Les Écrits corsaires et Les Lettres luthériennes. En Italie, comme au Québec la culture paysanne et catholique a disparu pour laisser place à une culture de masse hédoniste et individualiste.

Êtes-vous croyant?

Non. Mais je constate que le non croyant que je suis éprouve un manque. J’ai la nostalgie de la foi de mon enfance. Dans La Neuvaine, Jeanne, qui a été ébranlée par le meurtre atroce de sa protégée et de son bébé, trouve que la vie n’a plus aucun sens. Elle rencontre François, un jeune homme hors du temps qui trouve dans la foi réponse à toutes ses questions. Mais il n'y a ni miracle ni conversion dans le film et ce n'est pas la foi de François qui va ramener Jeanne à la vie : c'est sa simplicité et sa bonté. En l’absence de la foi, la bonté et la solidarité peuvent parfois remplacer le vide. Cela dit, mes scénarios ne sont pas des cahiers des charges. Dans celui-ci, j’ai pris beaucoup de plaisir à explorer l’archéologie religieuse. J’ai de l’affection pour la grand-mère qui va mourir dans la sérénité. Je suis sans doute un des derniers Québécois à lire encore Péguy dont j’aime l’écriture hypnotique. Si vous voulez, l’arrière-plan thématique, le moteur du film c’est ce sentiment d’un vide devant la culture qui s’est désagrégée. J’ai même parfois l’impression que la foi peut être plus progressiste que la non foi. Un chrétien qui prendrait au sérieux le Sermon sur la montagne serait peut-être mieux armé que nous pour se défendre contre le néo-libéralisme. Évidemment, les fondamentalismes chrétiens, juif et musulmans sont profondément réactionnnaires et dangereux, mais ils n'invalident pas pour moi l'idée religieuse, pas plus que Staline n'invalide l'idée de socialisme.

Vous parlez d’archéologie religieuse. Votre exploration du musée de la bonne Sainte Anne, qui aurait pu susciter une ironie sarcastique à la Jean-Pierre Mocky, est simple et touchante.

J’ai découvert ce musée en préparant le film. Je n’ai pas eu envie de rire des béquilles et des ex-voto, on ne rit pas de l’espérance. Un livre m’a vivement intéressé: Lourdes, de Zola. J’ai trouvé fascinant de voir le rationaliste athée bouleversé par la misère, la compassion et la foi qui règnent dans ces lieux de pèlerinage.

Pour incarner Jeanne, vous avez retrouvé Élise Guilbault qui était La Femme qui boit. Vous donnez à cette comédienne des personnages différents de ses rôles habituels. Elle n’a jamais été si intense.

C’est au théâtre, où elle donne son meilleur, que j’ai eu la révélation de cette comédienne admirable. Et j’ai eu envie de la diriger comme elle méritait de l'être. À la télé, on demande aux acteurs d’éclater. Moi, je lui demande de garder les sentiments à l’intérieur, je lui demande une grande retenue. C’est un travail difficile qu'elle réussit de façon extraordinaire. Son jeu, à la fois dépouillé et intense, est très cinématographique. Maintenant qu’elle connaît mes goûts, elle se corrige d’elle-même, suggérant de reprendre une scène où elle a commis un tressaillement de sourcil... Je travaille sans moniteur vidéo, je tiens à rester près des acteurs. Ce que fait Patrick Drolet n’est pas facile non plus. François est sans cesse sur la frontière entre « simple » et « simple d’esprit ». C’est complexe et Patrick a su donner à son personnage la rondeur des gestes et une grande dignité. Jean-Claude Labrecque, mon directeur photo, sait s’y prendre avec les comédiens. Il les met à l’aise, il les enveloppe de gentillesse.

Qu’attendez-vous d’un directeur photo?

Ça change selon les films. La Femme qui boit était dans le sombre. Pour 20h17, la caméra était à l’épaule et la lumière plus crue. Ici, c’est la luminosité qui prime. Et une volonté de la symétrie dans les cadres. Comme dans toutes les églises, l’architecture de la basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré est symétrique : tout converge vers le chœur et l'autel où est rappelé le sacrifice du Christ. J'ai eu envie d'évoquer cette symétrie : les personnages sont donc rarement décadrés, ils sont au centre, de face ou de dos. C’est une référence consciente à l’imagerie religieuse, au caractère sacré de la peinture religieuse. Je déteste la lumière prostituée des pubs et le montage dégénéré des clips, cette avalanche d’images épaisses et menteuses. Je n’ai pas envie de divertir, de faire cute. J’ai un parti pris d’austérité, je veux aller à l’essentiel.

« Qui ne connaît pas Petite-Rivière Saint-François ne connaît pas Charlevoix. » Vous avez tout de même choisi, pour loger François, de beaux paysages.

Je cherchais un village québécois près du fleuve encore intact. C’est la comédienne Guylaine Tremblay, originaire de ce village, qui me l’a fait découvrir. La contemplation de la nature est pour moi la seule façon de m’oublier, de me perdre, de sortir de moi. Mais je n’ai pas “jolifié” Petite-Rivière-Saint-François. C’est comme pour la musique qui trop souvent, au théâtre et au cinéma, est là pour souligner, pour faire passer l’émotion, et qui n’a finalement qu’un effet anesthésiant. Robert Marcel Lepage a lu mon scénario il y a deux ans. (J’aime associer mes collaborateurs longtemps d’avance.) Je lui ai demandé une musique qui aide à la réflexion, qui nous ramène à l’état d’esprit de Jeanne. On commence dans le désespoir. Et dans la séquence du Cap-Tourmente, un tournant du film, avec simplement trois, quatre accords d’un quatuor à cordes, on est dans la lumière.

Vous craignez de manipuler vos spectateurs?

J’ai envie de faire un cinéma pour des spectateurs libres. Je veux les faire travailler. Un film réussi nous porte à la réflexion, à la méditation – pas seulement le scénario et les dialogues mais tout le film. Ma vie de lecteur et de cinéphile a été littéralement transformée par des œuvres. Je pense aux Rossellini profondément spirituels de l’époque d’Ingrid Bergman. L’amour que j’éprouve pour le jeu d’Élise Guilbault est proche de celui que je ressens pour le jeu d’Ingrid Bergman à la fin de Stromboli. Je me sens très proche de cette sensibilité de non croyant catholique. Proche de Pasolini aussi. Les œuvres qui me parlent sont les espaces où les destins individuels rencontrent l’histoire, où la liberté individuelle rencontre la détermination de l’histoire. Mais de plus en plus, je suis préoccupé par la nécessité de la transcendance dans un monde sans Dieu. Je ne peux pas admettre que le samedi au centre d'achats soit l'unique horizon de l'expérience humaine.

Propos recueillis par Francine Laurendeau
Vous pouvez visionner la bande annonce (en téléchargeant Quick Time) sur le site du film : http://www.laneuvaine.com/
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http://www.fsjinfo.net
nelly emont
Ami(e)
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MessageSujet: Re: Film : La neuvaine   Film : La neuvaine Icon_minitimeMar 3 Oct 2006 - 12:12

Il me semble qu'au Québec vous avez vécu une révolution brutale. J'avais lu quelques romans dans les années 70 et on sentait combien le monde était prêt d'exploser : la puissance des préjugés, d'une éducation religieuse mal comprise, bref une envie de liberté. Toute éducation religieuse n'est pas bonne et celle qui était dépeinte correspond à ce que nous dépeignent nos romans du XIXème. Il est sans doute bon que l'on dépoussière ce qui n'est pas recevable, ou pas recevable de la façon dont on le présente ou le vit. Mais évidemment après, il ne reste pas grand chose. Moi je suis effarée de ce que je peux voir à la télévision quand par hasard je la regarde : une déculturation exécrable, une morale en déroute, l'imposition d'une manière de penser où l'intolérance règne ; hier, par exemple, je regardais une émition "drôle" où un ancien joueur de rugby venait dénoncer un calendrier que l'on vend maintenant depuis plusieurs années où les joueurs sont de plus en plus dénudés et affreusement vulgaires et provocateurs. Et bien il n'a pas su trouver les mots de la dénonciation : ils étaient vulgarité, obscénité, tout simplement... Alors il a tourné autour de l'idée que le rugby, ce n'était pas ça quoi ! Ou plutôt il n'a pas osé les prononcer.
Donc, je suis du même avis que le réalisateur du film, que j'espère, on verra sortir en Francee.
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