Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 11,15-26.
Quand l'esprit mauvais est sorti d'un homme, il parcourt les terres desséchées en cherchant un lieu de repos. Et comme il n'en trouve pas, il se dit : 'Je vais retourner dans ma maison, d'où je suis sorti. ' En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée.
Alors, il s'en va, et il prend sept autres esprits encore plus mauvais que lui, ils y entrent, et ils s'y installent. Ainsi, l'état de cet homme est pire à la fin qu'au début. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Ce petit passage de l’Évangile m'a toujours frappé par sa concision, laquelle ne fait que renforcer l'avertissement donné par le Seigneur. Si nous avons la naïveté de croire que : "Maintenant, çà y est, désormais je suis tranquille avec mes anciens penchants"...comme nous sommes encore empêtrés dans la bonne image que nous avons de nous-mêmes ! C'est pourquoi je fais bien de me rafraîchir la mémoire de temps à autre. Je le ferai encore aujourd'hui.
Après l'éblouissement de joie que m'a apporté la conversion, j'ai vécu trois années tout à fait exceptionnelles dans un constant tourbillon de grâces où intervenaient tous les jours la joie, la paix, les actes de foi, les gestes et des choix qu'on eût pas cru possibles. Comment, si ce n'était pas par l'Amour vivant en moi, ai-je pu un jour abandonner la caisse de ma boutique à trois jeunes sortis de ce qu'on appelle aujourd'hui des maisons de 'protection de la jeunesse' - et cela afin de conduire la vielle camionnette VW qu'un couple venait de louer et les assister dans leur déménagement ! A mon retour, à la fin de l'après-midi, il y avait dans la caisse plus d'argent que j'en avais laissé, et un de mes "remplaçants d'un jour" avait même réussi l'achat d'un lot qu'il avait consigné dans le livre adéquat ! Du coup, avec le surplus, avions improvisé un barbecue le soir... Toutes mes journées n'étaient pas aussi chargées, mais le Seigneur s'y manifestait soudainement ... au détour d'une discussion, par exemple : un mot de l’Évangile me remontait soudainement à l'esprit et j'étais tout secoué, au point de devoir détourner la tête pour que mon émotion ne paraisse pas.
Trois années ainsi, avec chaque matin à la première heure, la visite de mon guide spirituel, le père Maurice Verhaegen, ancien professeur de théologie, qui savait donner de bons conseils... surtout parce qu'il avait le don de l'écoute et de l'observation. Un matin, il a sorti le double d'une photo où nous figurions tous deux. "Que remarquez-vous ?", me demande-t-il. "Rien de particulier, nous y sommes tous les deux. C'est un des marocains de la boutique voisine qui a pris la photo... il y a le désordre habituel"... Mais le détail que le prêtre avait remarqué, c'est que d'emblée j'avais souri à l'objectif, tandis que lui était demeuré sur l'expectative, sur la réserve. Il m'avait mis en garde contre mon sourire, qui pouvait tout aussi bien être la porte ouverte à des gens mal intentionnés. (Je l'ai compris plus tard, lorsque j'ai dû commencer de dire aux clients: "Non, pas de rabais, ce n'est pas la saison des soldes, je dois manger comme tout le monde !" Si je n'avais pas souri et dit simplement mon prix, on ne m'eût pas si souvent demandé de faire des 'cadeaux' - et cela arrive encore !)
Mais à la fin des trois années... le balancier continuel grâces et de joies s'est suspendu d'un seul coup. Du jour au lendemain, plus de visites, plus de partages, je me suis retrouvé simple commerçant, avec des clients, du rangement, des factures. Et la solitude. Le père Verhaegen est décédé sans trop souffrir. Il m'avait dit : "Je vais retrouver toutes mes brebis !" et il souriait, tranquille. Il m'avait cependant prévenu: "Attention à vous, vous irez au désert, car le diable déteste les convertis, il réclame toujours à Dieu une seconde épreuve". Comme pour Job ? Oui, comme pour Job. Je n'ai pas perdu mon travail, mais mes amitiés, une tante, Thérèse, qui m'avait beaucoup assisté, et des membres de ma famille se sont éloignés de moi. Mais je gagnais bien ma vie. Du coup, le désir de m'installer dans le monde, de me marier, est revenu. Et ce fut une déconfiture complète que je ne vais pas raconter, tant son souvenir est encore pénible.
Il rôde, le démon, il fait le tour, il cherche par où entrer. Donc, convertis et converties, prenez garde ! Adoptez une discipline, une règle de chaque jour, ayez l'humilité de vous souvenir d'où le Seigneur vous a sorti. L'idéal est de toujours avancer. C'est la raison pour laquelle j'ai tant apprécié, en son temps, le Journal de Julien Green. Il l'a tenu régulièrement ... au moins 70 années. C'était pour lui comme une manière de faire le point à période fixe. De mon côté, j'ai jusqu'à présent bénéficié de l'Eucharistie matinale, j'ai le partage quotidien, j'ai l'assistance que j'apporte à ma mère. Je sais qu'il faut toujours se relever aussitôt que l'on tombe, immédiatement, cela doit devenir un réflexe de soldat. J'ai mon carnet privé, avec ses signes compréhensibles de moi seul. Je termine en disant que le Net est une chance pour moi - bien que, comme tout le reste, il soit aussi occasion de pécher. Bon courage !