Je ne sais pas ce que ça vaut, mais je vous le livre : je suis persuadé que vous saurez me répondre sur mes arguments.
Le livre de Job m’a paru complexe à lire et à comprendre. De prime abord, il s’agit d’un texte choquant puisqu’on y voit le Satan se rendant au conseil angélique et demandant à Dieu de bien vouloir lui permettre de faire souffrir son fidèle serviteur Job. Il faut comprendre que Satan n’est pas une personne dans l’angéologie juive mais une fonction occupée successivement par différents Anges. Un peu comme le contrôleur des impôts qui vous fait si peur mais qui ne se résume pas à son travail. Cela aura son importance dans la suite de la démonstration.
De part l’action du Satan, Job perd tout et finit la peau plein de croûtes sur un tas de fumier (ce qui s’appelle « être dans la merde » : à entendre à tous les niveaux !) entouré de trois amis venus lui rendre visite après l’annonce de son malheur.
Mais les deux premiers amis ne sont pas là pour lui remonter le moral mais pour le retenir de se plaindre. C’est que Job est un juste qui n’a jamais fauté. Il ne comprend pas pourquoi Dieu s’acharne à ce point sur lui et il proteste, revendique et conteste pour parler comme le chanteur. Et ses deux compagnons tentent de le raisonner en lui assurant que Dieu est parfait et punit toujours le coupable. Façon de lui faire comprendre qu’il doit forcément l’être – coupable – et qu’il ne reçoit que la monnaie de sa pièce.
Mais le troisième compagnon sera le plus retors. Sorte de grand inquisiteur, il prend parole contre Job de manière explicite et entame une apologie de Dieu assez remarquable. C’est le moment où le très Saint, béni soit-il, fait entendre sa voix et reprend puis prolonge l’apologie de sa gloire. Véritable explosion de puissance, son discours laisse Job quasiment sans voix et ce dernier rend les armes et admet qu’il n’a pas le droit d’invectiver Dieu de la sorte.
Mais voilà, se produit alors quelque chose d’intéressant. Dieu n’en veut finalement pas à Job, mais plutôt à ses compagnons : s’il les épargne, c’est uniquement car ils sont amis de Job. Car, en vérité, les trois compagnons ont irrité Dieu dans leur façon de parler de Lui et seul Job a trouvé les mots juste à son goût. Stupeur : comment et pourquoi celui qui proteste contre Dieu serait le bon croyant, alors que les trois théologiens qui n’ont pourtant fait que glorifier Dieu seraient des traîtres ?
Sans doute parce que ces derniers n’ont même pas pensés à faire preuve de compassion avec Job et se sont permis de parler de Dieu comme s’ils le connaissaient. Or, sans compassion, sans amour de son prochain, Dieu reste une abstraction. De plus, leur insistance tendait à souligner que Job était coupable de quelque chose : forcément, puisque Dieu soutient toujours le juste et frappe le méchant. Un véritable procès politique !
Mais la vérité est tout autre : la présence du Satan au conseil angélique démontre que le Mal est condition de la création : qu’il se révèle présent malgré tout – et le fait qu’il s’agisse d’un métier (du point de vue Juif, car Jésus fait de Satan un personnage à part). L’idée que Dieu sursoit donc aux affaires humaines est fausse : le juste peut tomber et le méchant se glorifier. Par contre, l’Homme en souffrance qui en appelle à Dieu, comme Job, peut faire basculer les choses : Dieu peut venir le soutenir si sa Foi est réelle. L’Homme peut invectiver Dieu et lui demander réparation : Job annonce en cela la figure du Christ ; ce n’est pas l’holocauste mais le cœur brisé qu’aime Dieu, dit un Psaume.
En substance, on pourra donc dire que celui qui croit connaître Dieu à tout intérêt à modérer ses propos et à se faire attentif de son frère : c’est ainsi qu’il en parlera le mieux. Quant à celui qui souffre, étant le reflet du Christ, il est déjà une supplique à Dieu : ce n’est pas sur la Terre que les soldes sont comptés, mais dans le Royaume des Cieux. Il n’empêche que Dieu peut décider de se déplacer et ceci pour apaiser.