(Extrait des exercices spirituels)
316 ‹ Troisième règle. ‹ De la consolation spirituelle. J'appelle consolation un mouvement intérieur qui est excité dans l'âme, par lequel elle commence à s'enflammer dans l'amour de son Créateur et Seigneur, et en vient à ne savoir plus aimer aucun objet créé sur la terre pour lui-même, mais uniquement dans le Créateur de toutes choses.
La consolation fait encore répandre des larmes, qui portent à l'amour de son Seigneur l'âme touchée du regret de ses péchés, ou de la Passion de Jésus-Christ, notre Seigneur, ou de toute autre considération qui se rapporte directement à son service et à sa louange.
Enfin, j'appelle consolation toute augmentation d'espérance, de foi et de charité, et toute joie intérieure qui appelle et attire l'âme aux choses célestes et au soin de son salut, la tranquillisant et la pacifiant dans son Créateur et Seigneur.
317 ‹ Quatrième règle. ‹ De la désolation spirituelle. J'appelle désolation le contraire de ce qui a été dit dans la troisième règle : les ténèbres et le trouble de l'âme, l'inclination aux choses basses et terrestres, les diverses agitations et tentations qui la portent à la déÞance, et la laissent sans espérance et sans amour, triste, tiède, paresseuse, et comme séparée de son Créateur et Seigneur.
Car comme la consolation est opposée à la désolation, les pensées que produit l'une sont nécessairement contraires à celles qui naissent de l'autre.
318 ‹ Cinquième règle. ‹ Il importe, au temps de la désolation, de ne faire aucun changement, mais de demeurer ferme et constant dans ses résolutions, et dans la détermination où l'on était avant la désolation, ou au temps même de la consolation.
Car, comme c'est ordinairement le bon esprit qui nous guide et nous conseille dans la consolation, ainsi, dans la désolation, est-ce le mauvais esprit, sous l'inspiration duquel nous ne pouvons prendre un chemin qui nous conduise à une bonne fin.
319 ‹ Sixième règle. ‹ Quoique nous ne devions jamais changer nos résolutions au temps de la désolation, il est cependant très utile de nous changer courageusement nous-mêmes, je veux dire notre manière d'agir, et de la diriger tout entière contre les attaques de la désolation.
A
insi, il convient de donner plus de temps à la prière, de méditer avec plus d'attention, d'examiner plus sérieusement notre conscience, et de nous addonner davantage aux exercices convenables de pénitence.
320 ‹ Septième règle. ‹ Que celui qui est dans la désolation considère comment le Seigneur, pour l'éprouver, le laisse à ses puissances naturelles, aÞn qu'il résiste, comme de lui-même, aux diverses agitations et tentations de l'ennemi ; car il le peut avec le secours divin qui lui reste toujours, quoiqu'il ne le sente pas, parce que le Seigneur lui a soustrait cette ferveur sensible, cet amour ardent, cette grâce puissante, ne lui laissant que la grâce ordinaire, mais suffisante pour le salut éternel.
321 ‹ Huitième règle. ‹ Que celui qui est dans la désolation travaille à se conserver dans la patience, vertu directement opposée aux attaques qui lui surviennent ; et qu'il espère qu'il sera bientôt consolé, pourvu qu'il emploie comme nous l'avons dit dans la sixième règle, les moyens nécessaires pour vaincre la désolation.
322 ‹ Neuvième règle. ‹ La désolation a trois causes principales.
Premièrement, elle peut être un châtiment. Notre tiédeur, notre paresse, notre négligence dans nos exercices de piété, éloignent de nous la consolation spirituelle.
Secondement, elle est une épreuve.
Dieu veut éprouver ce que nous pouvons, et jusqu'à quel point nous sommes capables de nous avancer dans son service et de travailler à sa gloire, privés de ces consolations abondantes et de ces faveurs spéciales.
Troisièmement, elle est une leçon. Dieu veut nous donner la connaissance certaine,l'intelligence pratique et le sentiment intime qu'il ne dépend pas de nous de faire naître ou deconserver dans nos coeurs une dévotion tendre, un amour intense accompagné de larmes, ni aucune sorte de consolation spirituelle ; mais que tout est un don et une grâce de sa divinebonté ;
il veut nous apprendre à ne point placer trop haut notre demeure, en permettant ànotre esprit de s'élever et de se laisser aller à quelque mouvement d'orgueil ou de vaine gloire, nous attribuant à nous-mêmes les sentiments de la dévotion et les autres effets de la consolation spirituelle.
323 ‹ Dixième règle. ‹ Que celui qui est dans la consolation pense comment il se comportera au temps de la désolation, et qu'il fasse dès lors provision de courage pour le moment de l'épreuve.
324 ‹ Onzième règle. ‹ Qu'il s'efforce aussi de s'humilier et de s'abaisser autant qu'il lui est possible, pensant de combien peu de chose il est capable au temps de la désolation, lorsqu'il est privé de la grâce sensible ou de la consolation.
Au contraire, celui qui est dans la désolation se rappellera qu'il peut beaucoup avec la grâce, qu'elle lui suffit pour résister à tous ses ennemis, pourvu qu'il s'appuie sur le secours de son Créateur et Seigneur.