Je viens de découvrir avec bonheur la réaction de Simone Weil au passage de l'Évangile où Jésus déclare (en saint Luc) "Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Dieu très-haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants."
Voici ce qu'elle écrit: "C'est dans le malheur lui-même que resplendit la miséricorde de Dieu. Tout au fond, au centre de son amertume inconsolable. Si on tombe en persévérant dans l'amour jusqu'au point où l'âme ne peut plus retenir le cri "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné", si on demeure en ce point sans cesser d'aimer, on finit par toucher quelque chose qui n'est plus le malheur, qui n'est pas la joie. Quelque chose qui est l'essence centrale, essentielle, pure, non sensible, commune à la joie et à la souffrance, qui est l'amour même de Dieu".
J'ai lu ce passage qui figure dans "Attente de Dieu" et il m'a rappelé de nombreuses notes éparses dans le "Petit Journal" de sainte Faustine, à propos de la miséricorde divine. Or, voici deux femmes: l'une obscure religieuse sœur portière dans un couvent en Pologne, et l'autre philosophe juive convertie, qui ont vécu à la même période mais sans que l'une ait pu connaître quoi que ce soit des écrits de l'autre - et vice versa. Elles n'en parlent pas moins de la miséricorde divine avec les mêmes accents d'absolu....
Ceci me confirme dans l'idée que "l'Esprit souffle où Il veut" et me conforte malgré l'état de "non-sensibilité" quasi totale à l'égard de la présence du Seigneur à mes côtés. Je suis convaincu de bénéficier d'une grande protection, mais je ne ressens que solitude, dureté du monde, détresse et avenir sombre - mais c'est du ressenti et la foi n'est pas du domaine de la sensation. Je me réjouis donc et je rends grâce à Dieu de cet encouragement que je reçois pour franchir ce cap éprouvant.