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| Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (synthèse) | |
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Quodvultdeus Ami(e)
| Sujet: Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (synthèse) Mar 20 Mar 2007 - 6:57 | |
| Exhortation Apostolique Sacramentum Caritatis (I)
L’Eucharistie : rien qu’un mystere d’amour !
Six mois après la "controverse de Ratisbonne", voici que se rejoue un scénario sans surprise : le Pape s’exprime en une longue méditation, les journalistes s’emparent de quelques positions à fort contenu passionnel, ils les retranchent de la riche pensée dans laquelle elles trouvent leur sens, les érigent en slogans outrés… privant ainsi tous ceux qui, comme eux, ne prendront pas le temps de méditer les 140 pages du document et d’en recueillir la vérité profonde. "Le Pape ferme la porte…", accusent les mêmes qui s’emploient à barricader de leurs gros titres l’entrée dans ce "Mystère d’Amour" (Mysterium Caritatis) dont Benoît XVI ouvre le porche à la méditation des fidèles catholiques. Aussi avons-nous un devoir de vérité : Quels sont précisément la nature et le contenu de cette longue exhortation apostolique ? De quelle manière les "questions sensibles" y sont-elles abordées ? Qu’en devons-nous retenir, nous catholiques, à qui ce discours s’adresse ? Nous répondrons cette semaine à la première question.
Un document étonnamment consensuel
"Sacrement de l'amour, la sainte Eucharistie est le don que Jésus-Christ fait de lui-même, nous révélant l'amour infini de Dieu pour tout homme. Dans cet admirable Sacrement se manifeste l'amour “le plus grand”, celui qui pousse “à donner sa vie pour ses amis"." Ainsi commence, par la révélation de "l’amour infini de Dieu pour tout homme", l’Exhortation apostolique Mysterium Caritatis dans laquelle le Pape Benoît XVI fait connaître au peuple chrétien les conclusions du Synode des évêques, tenu à Rome à l’automne 2005, sur le thème de l’Eucharistie, suivant l’ultime désir du Pape Jean-Paul II. Peu de commentateurs auront noté le caractère largement consensuel de ce texte, fruit d’intenses échanges fraternels entre 250 évêques du monde entier, 32 experts, 26 auditeurs laîques et délégués de communautés non catholiques. Par cette exhortation "post-synodale", l’évêque de Rome, Chef du Collège des évêques, se propose de synthétiser "la richesse multiforme de réflexions et de propositions" exprimées par les Pères synodaux avec une grande variété de sensibilités. Ce faisant, le Pape ne ‘ferme pas les portes’, il les ouvre au contraire aux préoccupations les plus diverses de toute la catholicité ! Ces nombreuses réflexions, Benoît XVI les organise suivant un plan limpide : l’Eucharistie est un mystère à croire (I), à célébrer (II) et à vivre (III). Ceux qui désirent croire, célébrer et vivre ce mystère d’amour peuvent ainsi pénétrer par la bonne porte dans l’Exhortation !
Un mystère à croire : "Il est grand le Mystère de la foi !"
Une première partie énonce quelques profondes convictions de foi touchant le mystère de l’Eucharistie. Qu’on n’y cherche pas, cependant, une catéchèse complète sur ce sacrement. On la trouvera plutôt, avec toutes les références à la Tradition, dans la dernière encyclique du pape Jean-Paul II, Ecclesia de Eucharistia, "par laquelle il nous a laissé une référence magistérielle sûre concernant la doctrine eucharistique et un ultime témoignage sur la place centrale que ce divin sacrement occupait dans son existence." Dans cette exhortation, le Saint-Père reprend plutôt les points de doctrine évoqués par les Pères synodaux, en les plaçant à la lumière de son encyclique Deus caritas est ("Dieu est amour"), c’est-à-dire dans la perspective de l’amour-agapè que Dieu réserve à l’homme.
Le don du Dieu d’Amour Toute vérité de foi, en effet, prend source en Dieu qui veut faire comprendre aux hommes son Amour. "Dieu est Amour", et cet Amour s’appelle Trinité, c’est-à-dire communion d’amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Cet Amour (agapè), la Trinité le partage gracieusement avec les hommes afin qu’ils le reçoivent en eux, que cette grâce les unisse à Elle et les sauve, leur procurant un bonheur vraiment divin (MC 8). Aussi, la foi chrétienne et chacune de ses exigences morales ne sont données à l’homme que pour lui permettre de vivre avec Dieu une alliance d’Amour.
Le Sacrifice de l’Alliance nouvelle Le pacte par lequel Dieu a scellé cette alliance avec les hommes, c’est le Sacrifice de la Croix, "dans lequel Dieu se donne pour relever l’homme et le sauver – tel est l’amour dans sa forme la plus radicale." Jésus est ainsi le véritable Agneau pascal, "qui s’est spontanément offert lui-même en sacrifice pour nous, réalisant ainsi la nouvelle et éternelle Alliance" (MC 9). Il est l’Agneau immolé, victorieux de la mort par sa Résurrection, qui mène à son achèvement la Pâque juive, figure annonciatrice de l’Alliance nouvelle. Or "l’Eucharistie contient en elle cette nouveauté radicale, qui se propose de nouveau à nous dans chaque célébration." A chaque Messe, les fidèles sont invités à participer au Sacrifice définitif de l’Agneau, qui est toujours présent dans le Sacrement de l’Eucharistie, par la puissance de l’Esprit Saint. "L’Eucharistie nous attire dans l’acte d’offrande de Jésus… Il nous attire en Lui" (MC 11).
L’Eucharistie fait l’Eglise Lorsque Jésus a donné sa vie sur la Croix, il "a engendré l’Eglise comme son Epouse et son Corps" (MC 14). L’Eucharistie, qui est la présence actuelle du Sacrifice de la Croix, donne vie chaque jour à l’Eglise : "l’Eglise vit de l’Eucharistie", selon le titre de l’encyclique de Jean-Paul II. Si l’Eucharistie est la source de l’Eglise, tous les actes par lesquels l’Eglise répand l’Amour de Dieu plongent leurs racines dans l’Eucharistie. Le Saint-Père décrit alors le lien vital entre l’Eucharistie et chacun des sacrements : l’Eucharistie couronne l’initiation chrétienne (MC 17-19) ; elle instaure une authentique communion avec Dieu et avec nos frères, communion que restaure de manière merveilleuse le sacrement de Réconciliation (MC 20-21) ; l’Eucharistie est offerte, en la personne du Christ et au nom de toute l’Eglise, par ces "humbles serviteurs" qui participent d’une manière spécifique au sacerdoce de la Nouvelle Alliance : les Èvêques et les prêtres qui, par leur célibat consacré, sont identifiés au "Christ Epoux, qui donne sa vie pour son Epouse" (MC 23-24) ; comme "sacrement de la charité" et "banquet des noces" entre le Christ et son Eglise, l’Eucharistie signifie et "fortifie d’une manière inépuisable l’unité et l’amour indissoluble de tout mariage chrétien" (MC 27-29).
Le signe du banquet éternel Enfin, l’Eucharistie donne de goûter déjà aux fruits du festin éternel, et cet avant-goût fortifiant "vient en aide à notre liberté en chemin" vers le Bonheur éternel (MC 30-32) Ce Don de Dieu, dont la richesse nous est décrite en de longues et belles pages, c’est la Vierge Marie qui nous apprend la bonne manière de l’accueillir, elle qui a si parfaitement participé à l’offrande de son Fils et en a, la première, recueilli tous les fruits (MC 33).
Un mystère à célébrer : la beauté de l’action liturgique
Lex orandi, lex credendi Le Synode a mis en évidence le lien que toute la Tradition a établi entre la juste manière de prier (lex orandi) et la juste manière de croire (lex credendi), en "soulignant le primat de l’action liturgique" (MC 34). Quand l’Eglise célèbre les mystères liturgiques, elle formule et explique sa foi.
Beauté et liturgie Le Saint-Père offre alors une magnifique méditation sur la beauté dans la liturgie. La beauté que la foi nous invite à contempler ne consiste pas "en une simple harmonie de formes", en un choix esthétique. Ici, dit-il, c’est la splendeur de la gloire de Dieu qui "dépasse toute beauté présente dans le monde. La beauté véritable est l’Amour de Dieu, qui s’est définitivement révélé à nous dans le mystère pascal." Ce mystère de beauté est l’œuvre du Christ ressuscité qui inclut l’Eglise dans son action, cette Action sacrée par excellence que toute la liturgie doit s’employer à représenter de manière resplendissante. Elle est en effet "l’expression très haute de la gloire de Dieu et elle constitue, en un sens, le Ciel qui vient sur la terre." (MC 35-37).
L’art de bien célébrer On a souvent opposé, dans un passé récent, "l’art de bien célébrer", c’est-à-dire la fidélité au rituel liturgique, et la "participation active des fidèles". Pourtant, on ne peut pas concevoir de participation vraiment active et intérieure des fidèles sans une célébration qui favorise, avec ses langages propres, le sens du sacré : paroles liturgiques forgées par deux millénaires d’histoire et de foi, architecture sacrée, noblesse des lieux et des objets de culte, musique et chant sacrés, "valorisant de manière appropriée le chant grégorien, en tant que chant propre de la liturgie romaine" (MC 38-42).
La participation active et authentique à la liturgie Après avoir mis en lumière quelques parties significatives du rite eucharistique, avec une attention particulière à la digne manière de recevoir la sainte Communion (MC 43-51), Benoît XVI livre une réflexion originale sur la "participation authentique" des fidèles à la célébration eucharistique. D’emblée, il écarte une participation extérieure qui consisterait à donner à chacun quelque chose à "faire" : "En réalité, la participation active souhaitée par le Concile doit être comprise en termes plus substantiels, à partir d’une plus grande conscience du mystère qui est célébré" (MC 52). Aussi rappelle-t-il le primat qui revient aux ministres sacrés dans la présidence et les tâches spécifiques de l’action sacrée (MC 53). Enfin, avec les Pères synodaux, il met en relief "les conditions personnelles dans lesquelles doit se trouver tout fidèle pour une participation fructueuse" : un esprit de constante conversion, le recueillement et le silence, le jeûne et, quand cela est nécessaire, la confession sacramentelle, l’esprit missionnaire (MC 55). Le Pape revient ensuite en profondeur sur ce propos en rappelant la manière par laquelle les fidèles pourront "entrer toujours mieux dans les mystères qui sont célébrés" et qu’il appelle un "itinéraire mystagogique" (chemin à l’intérieur du mystère). Cet itinéraire est balisé par les rites, les attitudes et les signes liturgiques, qui recèlent toutes les richesses de la foi et de la vie spirituelle, mais à l’égard desquels une grande œuvre d’éducation et de catéchèse reste encore à accomplir (MC 64-65).
Adoration et piété eucharistique Célébrer le Mysterium caritatis requiert enfin une "attitude d’adoration envers Celui que nous recevons" en communion. Par cette adoration profonde, "nous devenons un seul être avec Lui et nous goûtons par avance la beauté de la liturgie céleste" (MC 66). Aussi la pratique de l’adoration eucharistique doit-elle être vivement louée et encouragée, comme aussi tout ce qui favorise la piété eucharistique (MC 67-69).
Un mystère à vivre : le Pain de la vie
Une vie transformée par l’Eucharistie Ainsi doit-être la vie chrétienne. En affirmant que "celui qui me mange vivra par moi", le Christ nous fait comprendre qu’il nous attire dans sa propre vie. "Ce n’est pas l’aliment eucharistique qui se transforme en nous, mais c’est nous qui sommes mystérieusement changés par lui." Aussi l’Eglise, et chacun de ses membres, participent-ils au propre culte du Christ ; or ce culte est un "sacrifice" – une "action qui rend sacré" –, si bien que toute la vie chrétienne est rendue sacrée et devient un culte agréable à Dieu, une vie "intrinsèquement eucharistique" (MC 70-71).
Une vie dominicale Cette influence intérieure de l’Eucharistie sur la vie du chrétien fait de lui un homme "vivant selon le dimanche" (S. Ignace d’Antioche). "Le dimanche est donc le jour où le chrétien retrouve la forme eucharistique de son existence (…)". “Vivre selon le dimanche” signifie vivre dans la conscience de la libération apportée par le Christ et accomplir son existence comme l’offrande de soi à Dieu" (MC 72). Et de rappeler avec profondeur le sens du précepte dominical et du repos qui y est attaché (MC 73-74). Toute la vie du chrétien, et singulièrement sa vie dans la communauté humaine, se trouve ainsi convertie par la célébration eucharistique dans laquelle chaque vocation chrétienne retrouve sa "forme" et sa "cohérence" eucharistiques (MC 76-83).
Un mystère pour la vie du monde L’Exhortation s’achève par un envoi en mission. "En effet, nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans ce Sacrement. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous". Aussi, "nous ne pouvons nous approcher de la Table eucharistique sans nous laisser entraîner dans le mouvement de la mission qui, prenant naissance dans le Cœur même de Dieu, veut rejoindre tous les hommes" (MC 84). La mission première qui nous vient des saints Mystères est de rendre témoignage par une vie chrétienne cohérente – jusqu’au martyre – dans les milieux où le Seigneur veut que nous l’annoncions (MC 85). Le Saint-Père rend grâce pour tous les chrétiens qui apportent ce témoignage au péril de leur vie, dans les régions où la liberté de culte leur est déniée (MC 87). Ils sont comme "le froment de Dieu" moulu par leurs persécuteurs pour devenir, dans le martyre, "le pur pain du Christ", vraiment eucharistique. Ensuite, le mystère eucharistique nous enseigne à donner notre vie "jusqu’au bout" pour nos frères, à nous laisser manger comme un pain rompu "pour que le monde ait la vie" (MC 88). Transformés ainsi en "pain vivant" par la communion au Pain de Vie, nous devons étendre cette communion à tous les hommes pour lesquels le Christ a versé son sang. L’Eucharistie nous donne ainsi des forces nouvelles pour édifier la "civilisation de l’amour", depuis l’humble geste du pain partagé avec les plus pauvres jusqu’à "un engagement courageux dans les structures de notre monde" selon le réalisme et l’équilibre de la doctrine sociale de l’Eglise (MC 89-91).
Le Saint-Père souhaite enfin la publication d’un Compendium sur l’Eucharistie qui permette "que le mémorial de la Pâque du Seigneur devienne chaque jour davantage source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise."
A venir… Sacramentum Caritatis (II) : Les questions disputées
Thomas Diradourian, prêtre +
Dernière édition par le Mar 20 Mar 2007 - 14:34, édité 2 fois | |
| | | el Padrecito Martyr du forum
| Sujet: Re: Exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (synthèse) Mar 20 Mar 2007 - 8:41 | |
| Merci Quodvultdeus pour cette première partie de synthèse.
Je me permets de corriger le titre de l'Exhortation, non Mysterium Caritatis, mais Sacramentum Caritatis. | |
| | | jean_roulet Intime
| Sujet: Une analyse sur Sacramentum Caritatis Mar 20 Mar 2007 - 10:29 | |
| Parmi les nombreux textes disponibles sur les ZENIT ( français, anglais, portugais ) :
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Le p. Mattheeuws analyse l’exhortation sur l’Eucharistie « Sacramentum Caritatis » (II) Comme témoin et acteur du synode
ROME, Lundi 19 mars 2007 (ZENIT.org) – « Dans les lieux où l’Eglise est persécutée ou minoritaire, les évêques témoignaient de la force qu’est l’Eucharistie pour la vie personnelle et ecclésiale » : dans cet entretien, le P. Alain Mattheeuws, jésuite belge, explique ce qu’a signifié pour lui être « expert » au synode sur l’Eucharistie d’octobre 2005 à Rome, et il présente quelques éléments pour une lecture de l’exhortation apostolique de Benoît XVI. Un document qui prend en compte toutes les situations de l’Eglise, y compris celle des Eglises persécutées.
Le P. Mattheeuws, sj, expert au synode de 2005 sur l’Eucharistie, « source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise », est en effet co-auteur d’un « guide de lecture » de l’exhortation apostolique post-synodale de Benoît XVI « Sacramentum Caritatis ». Le deuxième grand document du pontificat a été présenté au Vatican mardi dernier, 13 mars (cf. Zenit des 13 et 14 mars, et Zenit du 15 mars 2007 pour la 1ère partie de cet entretien).
Zenit - Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans l’exhortation « Sacramentum Caritatis »?
P. A. Mattheeuws - Tout d’abord le désir du pape d’unifier des « propositions » parfois fort diverses qu’il reprend à son compte à travers les yeux de la foi, de l’espérance et de l’amour : le mystère eucharistique, l’action liturgique et le nouveau culte spirituel. Ce sont les trois parties de l’exhortation. Il reprend ainsi la constitution conciliaire Sacrosanctum concilium n°7. De manière sobre et subtile, il montre que l’Eucharistie est le véritable « espace de l’amour ». Cet amour trinitaire prend forme dans l’histoire de manière continue, sans ruptures, à travers des rites différents et suivant les différentes cultures.
Par ailleurs, la réforme liturgique de Vatican II est une expression voulue par le Concile de cet amour pour notre temps. Non seulement il l’approuve, mais il nous pousse à l’approfondir. Il n’y a pas d’hésitation sur ce point tout comme il n’y en avait pas dans le discours des Pères synodaux aux chrétiens du monde entier.
Théologiquement il prend position et manifeste plus clairement combien l’Eucharistie fonde l’Eglise et pas l’inverse. C’est l’acte de Jésus Christ sauveur qui est toujours premier. Cela donne la mesure de nos réflexions, de nos débats, de nos actions, de tous nos documents. Nos mots et nos liturgies disent en vérité le mystère de Dieu, mais ne l’enferment pas. La meilleure preuve se trouve être la présence de l’Esprit dans toute eucharistie : sans lui, tout ne serait que rite et souvenir du passé. Avec Lui, le Christ est rendu présent personnellement à nos yeux : son corps et son sang nous sont offerts. L’apport de l’Orient et de sa pneumatologie est sensible. Le Christ fait de nous en vérité son propre corps. C’est Lui qui agit et qui construit l’Eglise dans la puissance de l’Esprit.
Ce qui m’a touché aussi, c’est le lien fait par Benoît XVI entre la beauté de la liturgie et l’humilité, la simplicité des gestes et des rites : ce lien n’est pas d’ordre formaliste mais théologique et s’appuie sur la remise en valeur d’une esthétique théologique.
Enfin, il ne faut pas oublier que le synode a voulu réfléchir sur la relation entre l’Eucharistie et la mission. Ce thème parcourt toute l’exhortation, depuis la fondation de la mission dans la Trinité et l’acte d’Amour de Jésus dans l’institution de l’Eucharistie, jusqu’à la perspective eschatologique dans la relation de l’Eucharistie avec l’écologie, en passant par la participation des personnes handicapées à la forme eucharistie de la vie chrétienne.
Zenit – Comment se présentent le style et de la méthode de cette exhortation apostolique post-synodale ?
P. A. Mattheeuws - L’exhortation se présente plutôt sous la forme d’une méditation. Les références scripturaires en témoignent. Elles sont surtout johanniques. Ne serons-nous pas jugés sur l’amour, sur le sacrement qui nous nourrit ? Les lettres de saint Paul sont aussi régulièrement citées. Le thème central du « culte spirituel » est abondamment commenté (Rm 12, 1). Personnellement, je regrette la référence plus que modeste aux textes de l’Ancien Testament : l’équilibre « Ecriture et Tradition » en est fragilisé. Cette manière de faire ne facilite pas l’intégration paisible de la pensée magistérielle (celle du pape et des évêques). Par ailleurs, le langage « sacramentel » est richement explicité, même s’il nous est difficile d’accès et de compréhension : c’est une question pastorale et théologique décisive pour des sociétés post-industrielles et fortement sécularisée.
L’exhortation traite de l’économie sacramentelle et du sacrement par excellence qu’est l’Eucharistie. Le langage lui-même dépend du sujet traité. Ne nous trompons pas en interprétant trop vite certaines affirmations de l’exhortation. Une affirmation simple et nette n’est pas la négation stricte de son contraire, surtout dans le domaine du langage symbolique et des sacrements. Elle peut dire un souhait, une décision, une prise de position, une demande, une exhortation sur un point précis sans nier d’autres points passés sous silence ou jugés inopportuns à redire ou à dire en ce moment.
Notre culture n’est pratiquement plus apte à recevoir une vérité symphonique et cela se reflète souvent dans les commentaires que nous entendons à propos des documents du magistère, dans nos interprétations même ecclésiales, dans nos querelles fraternelles, pastorales et théologiques. Nous oublions également que certaines questions sont suscitées par d’autres univers que le nôtre. Nous oublions aussi la nécessaire médiation des réflexions théologiques par les évêques, les conférences épiscopales et surtout le langage « pastoral » qui assume ce que dit l’Esprit saint dans le cœur de la personne et de telle communauté. Cela signifie le plus souvent que deux propositions différentes ne peuvent plus être assumées par notre intelligence (et donc aussi par notre affectivité !). Notre esprit est parfois pénétré d’une telle négativité qu’il nous est impossible de penser le « paradoxal » sans le nommer « contradictoire ». Dans l’ordre sacramentaire, c’est très dommageable. Pensons à ce que peut être la beauté liturgique. Pensons, par exemple, à l’unité entre l’art de célébrer et la participation active et fructueuse des fidèles : elle concerne d’abord l’ensemble du peuple sacerdotal et pas la distinction prêtre-laïcs. L’affirmation de l’unité entre les deux Tables, celle de la Parole et celle du Pain et du vin, est un antidote contre une telle herméneutique. D’un point de vue méthodologique, Benoît XVI reprend la plupart des points qui concernent l’eucharistie dans un esprit unifié, désireux de manifester l’unité d’un seul geste liturgique : d’un seul acte sauveur dont l’Eglise fait mémoire et qui la fonde.
Zenit – En quoi consiste, pour vous, la « nouveauté » de ce second grand document de Benoît XVI ?
P. A. Mattheeuws - La vraie « nouveauté » comme le disait la proposition 3 des Pères synodaux, c’est le Christ. Benoît XVI le dit à de nombreuses reprises dans l’exhortation (cf. par exemple les n°11-12, 22, 70-79). Si ce synode permet de mieux observer la présence du Christ dans notre histoire personnelle, dans celle de nos communautés et dans le monde : c’est gagné. Mais il ne suffit pas d’observer le Christ, il faut « être nouveau » avec Lui : entrer dans son corps, être « par lui, avec lui et en lui » offert au Père. Cette considération me permet d’indiquer que si la charité (l’agapè) ne grandit pas, la « nouveauté » n’est pas encore advenue : c’est un critère de l’Eucharistie. Qu’elle soit clairement articulée à un changement de vie et que ses implications morales sociales et personnelles soient joyeusement perçues. L’Eglise doit servir le Christ. Elle ne peut pas faire mémoire de son acte sauveur sans être changée elle-même, sans être ré-évangélisée. La mission en est le fruit espéré.
Ajoutons le point suivant : le synode concluait l’année de l’Eucharistie. Il montrait à nouveau l’importance de l’acte du Christ : une répétition, une expérience conclusive comme une « confirmation spirituelle » que l’Eucharistie est bien le centre de la vie chrétienne. Qui dit centre, dit qu’on ne passe pas à côté de l’essentiel : du don total du Christ pour chacun. L’Eucharistie comme thème synodal a montré les poids et les peines qui restent à résoudre. L’humanité, les chrétiens eux-mêmes souffrent et leur vie est en hiatus avec la grâce. Il nous faut à tous un Sauveur : le synode l’a bien montré. L’exhortation le redit. Sans le Christ, rien de solide ne se construit. Tous les membres de l’Eglise peuvent vivre ensemble certaines impuissances : ne pas avoir réponse à tout, ne pas résoudre telle difficulté, attendre qu’une réconciliation s’opère (avec les frères séparés). Déjà la décision de Benoît XVI de laisser les propositions qui lui sont faites à la disposition de tous, telles qu’elles sont, est un acte de courage et d’humilité. Chacun de nous pouvait voir que ce n’était pas si simple. Des questions restent encore à approfondir. Et puis la vie de l’Eglise est plus large qu’un Synode !
Zenit : Plusieurs thèmes restent « controversés », qu’est-ce qui vous apparaît comme décisif et original dans cette exhortation ?
Le texte de l’exhortation présentée par le cardinal G. Danneels et avec un « guide de lecture » rédigé par les PP. A. Mattheeuws, expert au synode et A. Massie, théologien, sera disponible aux éditions « Fidélité » (Bruxelles, www.fidelite.be) à partir de ce lundi, 19 mars. ZF07031904 | |
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