Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10,28-31.
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voilà que nous avons tout quitté pour te suivre. »
Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre,
sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle.
Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. »
Extrait de la Traduction Liturgique de la Bible - © AELF, Paris
Dans les mois puis les deux années qui ont suivi mon expérience de conversion, j'ai voulu faire comme Pierre et les autres apôtres pour suivre Jésus. C'était si important à mes yeux ! Il fallait quitter tout çà, tous ces lieux où j'avais vécu de ma quête de réussite, de pouvoir, de domination, et de toutes sortes de plaisirs. Bien sûr, pas question de rester "là-dedans" ! D'ailleurs, je me sentais parfois ébranlé comme un enfant qui apprend à marcher. C'est ce que j'ai dit au supérieur des Capucins : "Mon père, j'ai besoin d'un lieu pour refaire des racines, et même pour réapprendre à marcher, j'ai vingt-neuf ans, et je marche avec l'impression que je suis sur un champ de mines !
Donc, l’Évangile de ce jour ne parle pas pour moi ?
Mais en réalité, si. Par exemple, la surface commerciale que j'occupais à l'époque dans la galerie, me coûtait l'équivalent de quatre cents euros d'aujourd'hui, en ce non comprise les charges de galerie, le téléphone et les autres frais (assurances, notamment)... le total s'élevait à six cents euros.
Après ma conversion et mon échec pour entrer chez les Capucins, il s'est passé ceci : j'ai rencontré les propriétaires de la boutique que j'occupe aujourd'hui... Je les ai rencontrés après avoir pris soin durant six mois de leur fille, qui souffrait et souffre encore de schizophrénie. A l'époque, elle entendait des voix ("les voix répètent ma pensée", me disait-elle souvent"). Pour éteindre cet écho, les psychiatres lui donnait du célèbre Halopéridol, couramment appelé Haldol, qui est une sorte d'éteignoir du cerveau. Il occasionnait tant d'effets secondaires qu'elle devait prendre aussi le Tremblex, qui figeait aussi le corps. Physiquement, elle ne ressentait aucune sensation: prenez la main de quelqu'un, et il vous serrera la vôtre par simple réflexe nerveux: mais pas chez elle; encore aujourd'hui, vous prenez sa main dans la vôtre, et vous la relâchez assez vite parce que vous avez le sentiment de serrer un membre mort.
Bref, j'ai pris soin de cette femme et un jour, comme leur fille allait partir vivre dans la capitale, ils sont venus me trouver et m'ont proposé d'occuper une autre surface: celle où je suis aujourd'hui. Le loyer ? En 2012, sans charges, il est de : cinquante euros ! J'ai craint que le Ministère des Finances y trouve à redire, mais non, je n'ai eu aucun souci, et jamais ce loyer n'a augmenté.
J'avais besoin d'un guide spirituel, après le bouleversement intérieur que la conversion avait commencé en moi. J'en ai cherché un auprès du Séminaire, puis des anciens prêtres, mais cela ne donnait pas grand chose. Je m'en suis plaint au Seigneur, en vain semble-t-il, mais avant même ma démarche 'officielle', j'avais un visiteur, chaque matin, un grand bonhomme assez âgé mais solide, qui bavardait de livres avec moi. Un matin, je lui ai dit, sans trop en dire, que je cherchais un homme féru de spiritualité. Ce jour-là, il s'est présenté, c'était un Père Rédemptoriste, ancien professeur de Théologie, à la retraite !
En ville, j'avais toujours en location une sorte de 'garçonnière' - mais au fur et à mesure que le temps passait, je n'y ai plus logé souvent. J'étais invité par les uns et les autres, un groupe de jeunes constitués pour une grande part d'orphelins qui venaient d'être "lâchés" - à dix-huit ans de leur 'maison d'accueil'. Ils ignoraient tout de leur existence "administrative", de la recherche d'un emploi, de leurs propres droits. J'ai longtemps "travaillé" en relation avec une association d'aide à la jeunesse, ainsi qu'avec un assistant social du nom d’Elio. J'ai abandonné mon ancien logement et me suis domicilié chez mes parents, bien que n'y étant pratiquement qu'un jour par semaine.
Mais ensuite, lorsque le Seigneur a suspendu (cela s'est passé en trois mois à peine) mon activité auprès des jeunes, il s'est trouvé que mon père a eu son premier "accident vasculaire cérébral" et ma mère m'a demandé mon soutien. J'ai retrouvé la maison de famille ainsi... que j'ai quittée à nouveau, le temps de mon "passage au désert", lorsque j'ai cru pouvoir retourner à la "vie civile" (comme je le disais à l'époque). Mais ma dernière tentative pour une vie de couple qui-tiendrait-compte-de-ma-foi... s’avéra un cauchemar d'une seule année. J'ai déménagé de nouveau et je n'ai plus bougé depuis.
Un peu avant le décès de mon père Gabriel, à l'âge de cinquante-ans, j'ai enfin trouvé une congrégation religieuse : celle de sainte Faustine. J'ai commencé ma théologie et je me suis remis à rêver: qui sait ? Peut-être les sœurs de Cracovie auraient besoins d'un bilingue français-anglais ? Je me faisais fort d'apprendre le polonais en une année, et je me voyais déjà voyager : ne me proposerait-on pas de m'installer à Cracovie ? Il y a là-bas des groupes religieux de tous les pays.
Ce n'est pas arrivé. Les desseins du Seigneur...
Cependant, ce qui est arrivé donne un exemple de ce qui se peut se passer, concrètement, dans l'aujourd'hui, pour quiconque veut suivre Jésus... Ce n'est pas tellement les initiatives que nous prenons qui comptent, mais la confiance que le Seigneur nous donnera l'occasion de témoigner de notre foi.
.