Depuis deux ou trois ans, j'accueille dans ma boutique un catholique... que je dois remettre en question chaque jour. Ancien ouvrier grutier, responsable sur de grands chantiers (dont celui du TGV)... Durant des années, l'argent lui a coulé à flots entre les doigts, il a quitté son épouse légitime pour vivre une vie de plaisir avec de nombreuses maîtresses. Ce furent ensuite les fêtes joyeuses et la bière à flot durant des années. Mais la maladie et la mort successives de trois de ces anciens amis (ils étaient colocataires d'un immeuble) et le long bras de la justice (les rentes alimentaires à l'épouse légitime n'ayant jamais été payées)... ont abouti à ce que"JP" se retrouve en prison un mois et ensuite sur un banc dans un parc... où un assistant social l'a trouvé et l'a aidé à remonter la pente.
C'est ce même "JP" qui, après m'avoir bien aidé en certaines occasions... voudrait à présent que je m'équipe d'armes défensives (matraques électriques ou autres) et se propose même de s'armer d'un couteau en septembre ! Il s'est mis à haïr non la vie folle qu'il a lui-même vécue, mais la jeunesse d'aujourd'hui qui ne fait, en fin de compte, que de suivre son propre exemple ! (Comment appellerait-on cela en psychanalyse ? Un "transfert" ?)
Et du coup, je ne cesse pas de lui répéter qu'il fasse comme il l'entend mais que je n'en veux rien savoir ni plus le voir. Et de me boucher brièvement les oreilles et me voiler les yeux. Et de répéter encore : la foi, ce n'est pas çà ! Dieu aime chaque être humain, même celui qui tue son voisin - pourvu qu'il s'en repente ensuite. Et ce fut dur à entendre car je m'y suis repris par trois fois.
Mais ce qui est le plus pénible, c'est que je ressens désormais sa haine de la jeunesse... un peu comme s'il s'efforçait de me faire adopter son état d'esprit... et je n'aime vraiment pas cela, car il faut que fassions attention à ce que nous entendons - et même à la façon dont nous pensons. Je crois me souvenir de ce que disait le curé de campagne (Bernanos) :
"Personne ne sait par avance ce qui peut sortir, à la longue, d’une mauvaise pensée. Il en et des mauvaises comme des bonnes: pour mille que le vent emporte, que les ronces étouffent, que le soleil dessèche, une seule pousse des racines. La semence du mal et du bien vole partout. Le grand malheur est que la justice des hommes intervienne toujours trop tard; elle réprime ou flétrit des actes, sans pouvoir remonter plus haut ni plus loin que celui qui les a commis. Mais nos fautes cachées empoisonnent l’air que d’autres respirent, et tel crime, dont un misérable portait le germe à son insu, n’aurait jamais mûri son fruit, sans ce principe de corruption. »
Gare aux pensées assassines !