Le mercredi de la 31e semaine du temps ordinaire
Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 2,12-18.
Faites tout sans récriminer et sans discuter ; ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache au milieu d'une génération égarée et pervertie où vous brillez comme les astres dans l'univers,
en tenant fermement la parole de vie.
Psaume 27(26),1.4abcd.13-14.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?
J'ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie.
Je le crois, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 14,25-33.
De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d'entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s'asseoir pour calculer la dépense et voir s'il a de quoi aller jusqu'au bout ? Car, s'il pose les fondations et ne peut pas achever, tous ceux qui le verront se moqueront de lui : 'Voilà un homme qui commence à bâtir et qui ne peut pas achever ! '
Et quel est le roi qui part en guerre contre un autre roi, et qui ne commence pas par s'asseoir pour voir s'il peut, avec dix mille hommes, affronter l'autre qui vient l'attaquer avec vingt mille ?
S'il ne le peut pas, il envoie, pendant que l'autre est encore loin, une délégation pour demander la paix.
De même, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.
Jésus s'adresse à de "grandes foules" et emploie le langage de la croix. La croix n'est pas un symbole juif pour indiquer la soumission à une autorité. A cette époque, la croix est le symbole du jugement, de la condamnation et de la mise à mort par les romains. Les juifs le connaissent bien, mais il ne fait partie de leur culture. C’est sous Alexandre que la crucifixion fut introduite dans le monde gréco-romain. Flavius Josèphe raconte qu’ Alexandre (mort en - 323) fit “crucifier 800 Juifs devant ses yeux et égorger en leur présence - durant leur agonie, leurs femmes et leurs enfants” (F. Josephe, Histoire ancienne, L XII, 5, 4). Le langage de la croix est dont sinistrement évocateur !
Ce que cela signifie, encore et toujours, pour nous, les chrétiens qui vivent ce temps de paganisme renaissant, prendre notre croix signifie donc rester fidèle au Christ et accomplir la volonté de Dieu, en étant prêts à supporter jugement, condamnation et éventuellement mise à mort. Exactement comme saint Paul, exactement comme les Philippiens auxquels il s'adresse en ajoutant qu'il est prêt à verser son sang " pour l'ajouter au sacrifice qu'ils offrent à Dieu.
Encore aujourd'hui, un tel langage reste pénible à écouter. Si je parviens à l'accepter, c'est qu'en réalité j'ai déjà traversé ce qui m'a paru le plus pénible: le reniement de la part des miens. C'est aussi parce que je vis déjà, dans ma vie quotidienne, sous des menaces de violence de la part des jeunes drogués qui s'enhardissent de jour en jour, car l'endroit d'où j'écris est isolé mais on y est à l'abri du froid. Pour être tout à fait franc, ma "croix du jour" reste mon total isolement lors de la fête de la Toussaint - j'ai pu le vivre uniquement parce que je suis resté "en mouvement" toute la journée sous l'inspiration de ma foi. Est-ce donc si dur ? Je réponds : pas si l'espérance est vivante, car elle pousse véritablement à avancer le pas afin de ne pas céder aux tentations de rejet, de reniement.
(Finalement, si l'on y songe bien, n'est-ce pas une chance ? Oui, dans le sens où l’Évangile nous parle "au plus proche" de notre quotidien. Si je peux avoir peur, maintenant, c'est parce que je sais que je ne changerai plus !)
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