Faut-il fermer les limbes ?Suite à l’entretien que Dom Jean Pateau, abbé de Fontgombault, a bien voulu accorder au R&N sur l’hypothèse des limbes et sur les suppléances possible au sacrement du baptême, le Fr. Joseph-Marie Gilliot (Fraternité Saint-Vincent-Ferrier) a souhaité réagir dans nos colonnes. Nous le publions bien volontiers.
(...) Le sort des enfants morts sans baptême demeure un objet d’angoisse pour les familles confrontées à l’épreuve d’une fausse couche, ou au drame d’un avortement provoqué. La Miséricorde de Dieu, « qui veut que tous les hommes soient sauvés » (1 Tm 2, 4), les mérites infinis de la passion du Christ, et la sollicitude de Jésus pour les plus petits (cf. Mc 10, 13-14) ne sont-elles pas des données suffisantes pour consoler les parents éprouvés, en les assurant que leur enfant repose désormais dans la gloire du ciel ? C’est animé de ce souci pastoral que Dom Pateau, père Abbé de l’Abbaye Notre-Dame de Fontgombault, a voulu examiner en théologien la convenance d’un salut pour tous ces petits « à qui la vie n’a souri que durant un instant » (p. 15). L’argument central consiste à affirmer une suppléance universelle de la médiation sacramentelle du baptême pour les enfants dans l’impossibilité de recevoir le sacrement, et, partant, à dégager la « convenance », proche selon l’auteur de la certitude, « d’une sanctification directe par Dieu des enfants mourant sans baptême » (p. 248).
(...) Cependant, à proprement parler, le Christ n’est pas un sacrement mais la source de l’ordre sacramentel. Selon l’économie qu’il a lui-même instituée, il a voulu « un régime totalement nouveau de causalité, dans lequel des signes visibles deviennent cause de la grâce [39] ». L’eau et le sang jaillis du cœur ouvert du Christ (Jn 19, 34) en sont la parfaite illustration. (...)
La raison théologique et la prudence pastorale invitent à conserver la doctrine des limbes : c’est, dans l’état actuel du développement dogmatique, la seule possibilité pour qui veut tenir ensemble les vérités de foi engagées dans le sort des enfants morts sans baptême. Pour autant, cette conclusion ne doit pas masquer le fait que Dieu peut, selon sa sagesse et sa Miséricorde, élever ces enfants à la vie de la grâce en leur communiquant les mérites du Christ, et leur donner ainsi en partage la gloire du ciel. Mais la réalisation de cette possibilité relève de la seule liberté divine, sans que rien dans la Révélation ne nous autorise à en tirer une loi générale.
En conséquence, la meilleure attitude des pasteurs est d’inciter fortement les parents, dès la conception de leur enfant, à le confier à la Miséricorde de Dieu, en priant pour lui, et en faisant célébrer des messes à son intention. Et bien sûr, après la naissance, à ne différer sous aucun prétexte leur baptême : qu’importe la présence des membres de la famille quand c’est la béatitude éternelle d’un enfant qui est en jeu ? Comme l’a rappelé la Congrégation pour la doctrine de la foi : « par sa doctrine et sa pratique, l’Église a montré qu’elle ne connaît pas d’autre moyen que le baptême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la béatitude éternelle [41] ».
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Fr. Joseph-Marie Gilliot (Fraternité Saint-Vincent-Ferrier)
Source : Le Rouge et le Noir