Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas l’amour, je ne suis que bronze qui résonne ou cymbale qui retentit. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais même toute la foi qui transporte les montagnes, si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens, quand même je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. L’amour est patient, il est plein de bonté, il n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il n’agit pas avec inconvenance, il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s’irrite pas, il ne tient pas compte du mal, il ne se réjouit pas de l’injustice mais se réjouit avec la vérité, il pardonne tout, croit tout, espère tout, endure tout. L'amour ne passe jamais.
Saint François priait aussi en disant : "Seigneur, là où est haine, que je mette l'amour". Aujourd'hui, je reste encore comme pétrifié, oui, stupéfait jusqu'à ne plus savoir qu'en faire. En lisant ce journal d'Etty Hillesum, jeune juive convertie, qui a croisé Edith Stein au camp de "triage" de Westerbork - d'où elles ont été envoyées pour mourir à Auschwitz... je suis tombé sur un passage qui m'a complètement bouleversé.
C'est vers la fin du journal. Etty se retrouve chargée de préparer des convois de trente à trente-cinq wagons, bourrés d'être humains. Et voici qu'un matin, elle se retrouve à emmailloter des bébés et à couvrir de vêtements chauds de très jeunes enfants. Un militant communiste qui est là (et qui survivra en s'évadant) lui dit assez durement : "Ce que tu fais là ne sert à rien du tout. Tu sais bien qu'ils seront tous morts de faim et de froid bien avant d'arriver en Pologne !" (Le trajet prenait en effet une dizaine de jours dans des conditions affreuses qu'on imagine). Mais Etty réagit et répond ... d'une phrase dont je recherche les mots exacts, mais je n'y arrive pas depuis midi.
Mais en substance, c'est ceci : Dieu est amour et je dois aimer, et j'aime. Dans ce moment précis, je ne peux aimer qu'en essayant de protéger des enfants du froid. Alors, je le fais. Le reste, Dieu le sait, moi je ne sais pas. Mais je fais pour Dieu ce que je dois faire.
Elle a employé d'autres mots - que je retrouverai, mais l'esprit y est. Si je suis bouleversé, c'est que je m'en suis rendu compte aujourd'hui : depuis que mon père nous a quittés, depuis que ma mère est en maison de repos, depuis que la crise a amplifié, depuis que mes soeurs m'évitent, depuis que le mal s'insinue partout et que j'ai des jeunes drogués devant ma boutique chaque jour... depuis que je suis seul pratiquement pour tout dans ma maison, au travail, rendre des visites... c'est aussi ce que je me retrouve à faire.
A essayer de mettre de l'amour là où il n'y a plus que des formes de haine. Je me dis d'ailleurs que la haine n'est pas le contraire de l'amour (ce serait donner trop de poids à la haine, d'en faire le contraire de l'amour !) La haine, c'est l'absence de l'amour, ou le refus de l'amour. Enfin, bref, à moi aussi, Dieu m'a confié ce secret : il a besoin de moi pour que l'amour soit manifesté dans un monde qui est devenu une sorte de désert de l'amour. Je le fais et je le ferai jusqu'au bout. Et d'ailleurs, je ne serai pas à plaindre, car j'aurai des consolations spirituelles d'une très grande force, j'en suis certain à présent.
Merci de m'avoir lu !
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