(Abbaye de Solesmes)
Combien êtes-vous ?
70 présents, auxquels il faut ajouter quelques moines qui aident d'autres
monastères, Solesmes étant maison-mère d' une famille de 31 monastères, fondée par Solesmes en France et à l'étranger.
De quoi vivez-vous ?
De notre travail (ateliers de travaux manuels pour la vie du monastère, jardin potager, verger, rucher), des honoraires de messes, des ventes
de notre magasin (objets de piété) et de nos éditions de livres et de disques. Nous recevons aussi quelques dons de bienfaiteurs.
Du fait de notre voeu de pauvreté, nos dépenses sont très réduites, par exemple nous n'avons pas de budget pour les vacances, loisirs etc.
Notre règle : se contenter du strict nécessaire.
Pourquoi priez-vous en latin ?
Le latin est la langue officielle de la prière de l' Église (le Concile Vatican II l'a rappelé). Le chant grégorien, trésor unique de l' Église latine, a été composé, il y a 1000 ans pour mettre en valeur des textes écrits en latin
(en grande majorité des citations bibliques). La beauté exceptionnelle du grégorien vient de l'harmonie parfaite entre les mélodies et les paroles qu'elles font chanter. Les novices qui ne savent pas le latin suivent des cours pour qu'ils puissent comprendre ce qu'ils rediront à Dieu jour après jour.
A qu'elle heure le concert ?
L'Abbaye Saint Pierre de Solesmes n’est pas une salle de concerts ni même un conservatoire de musique ; c'est une Maison de Prière : du choeur de ses moines montent jour et nuit une louange et une supplication
qui montent vers Dieu sept fois par jour (voir la section Prière et travail). Le grégorien qu'on y chante est pour nous un langage actuel hérité de la tradition de toute l'Église.
Tous peuvent donc y venir, même ceux et celles qui ont une orientation religieuse différente. Il n'y a donc pas à retenir de place mais à arriver à l'heure (attention aux jours d'affluence).
Pourquoi vous êtes-vous fait moine ?
- Parce que Dieu m'a invité à lui donner toute ma vie.
- Pour la gloire de Dieu. Dieu est tellement grand qu'il mérite qu'on lui consacre toute son existence.
- Parce que j'ai compris (un tout petit peu...) l'amour fou de Dieu pour moi : cela demande une réponse...
- Parce que Jésus a posé la main sur moi. C'est le mystère de la vocation, de l'appel reçu et entendu, auquel j'ai librement répondu.
- L'éducation religieuse reçue en famille et à l'école m'a convaincu de l'importance extrême de la prière, pour la vie et le salut du monde entier.
Avez-vous des vacances ?
Non.
Notre vocation est d'être sans cesse DEVANT DIEU. On ne peut donc pas s'absenter. Notre genre de vie est beaucoup plus équilibré que celui de beaucoup de gens d'aujourd'hui.
Nous avons deux moments de détente pris ensemble chaque jour et une promenade hebdomadaire à l'extérieur du monastère. Si un motif de santé l'exige, le supérieur permet un temps de repos.
Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas entrer dans l' Abbaye ?
C'est une conséquence de la consécration à Dieu sans partage. Cela nous aide à conserver la liberté du coeur, de même que la clôture monastique et l'habit sont des signes de notre consécration. Aucune misogynie chez les moines, au contraire une grande estime et un respect pour la vocation et dignité de la femme (un signe : la grande dévotion mariale en grand
honneur chez nous). Des lieux d'accueil sont prévus pour les retraitantes : hôtellerie extérieure ou pensions extérieures au monastère.
Même les hommes qui font une retraite chez nous ne pénètrent pas n'importe où dans le monastère.
Votez-vous ?
Nous avons les mêmes droits et devoirs ue tous nos compatriotes.
Notre vocation particulière ne nous rend pas pour autant étrangers ou indifférents à la vie de notre pays.
Quand vous ne voulez plus être moine, pouvez-vous partir ?
Nous sommes venus ici librement et y restons librement. La grandeur de notre vie d'homme tient pour une bonne part à la fidèlité à la parole solennellement donnée. À fortiori quand celle-ci est donnée à Dieu.
Cela n'exclut pas qu'il puisse y avoir des périodes où la persévérance est difficile, mais Dieu est fidèle et sa grâce ne manque jamais. Les personnes mariées se doivent aussi fidélité. Il arrive, très rarement, qu'un moine nous quitte, c'est une grande tristesse qu'on porte dans la prière ; c'est un peu comme une amputation d'un membre vivant.
Comment devient-on supérieur du monastère ?
Ce n'est pas très bon signe si un moine cherche à faire carrière... Au moment du vote communautaire pour élire un nouveau père Abbé, aucun moine n'est candidat. Le père Abbé est élu aux 2/3 des voix des membres du chapitre, par vote secret. Le nouvel Abbé est confirmé par le Saint-Siège.
Est-ce qu'il vous arrive de douter ?
Il peut y avoir des moments où des vérités de foi sont enveloppées de grande obscurité. La foi, alors, se purifie et s'approfondit davantage. Les moines ne sont pas à l'abri des tentations contre la foi.
Êtes-vous informé de ce qu'il se passe dans le monde ?
Nous n'avons ni radio ni télévision. Plusieurs journaux sont à notre disposition. L'avantage est que nous avons du recul par rapport à l'actualité et que nous risquons moins d'être manipulés que le télespectateur moyen... Cette discrétion dans l'usage des médias ne signifie pas que nous sommes indifférents à l'égard du monde. De temps en temps, nous assistons à une conférence d'une personnalité de passage dans notre monastère.
Est-ce que vous allez dans votre famille de temps en temps ?
Habituellement, non. Exception faite des décès dans la famille proche.
Après l'ordination sacerdotale nous disposons d'une semaine pour célèbrer les premières messes. Mais nos familles peuvent venir nous voir 3 ou 4 fois par an. Cela dépend aussi de la distance géographique.
Nous pouvons leur écrire. En résumé, nous sommes séparés de nos familles, mais la rupture n'est pas totale ; nos proches sont très présents dans la prière.
Vous ne vous ennuyez jamais avec une vie si monotone ?
Non, jamais. Le chômage est un fléau inconnu dans les monastères. Nous ne voyons pas le temps passer. La monotonie n'est qu'apparente. Les fêtes liturgiques sont des temps forts. Nous avons aussi des occupations
précises pour chaque moment de la journée (l'oisiveté est ennemie de l'âme). Chaque année la Providence nous envoie de nouveaux jeunes qui sont un stimulant pour la vie communautaire. Dieu est tout le contraire de quelqu'un d'ennuyeux : Il est passionnant ! Plus on le connaît, plus on désire entrer dans l'intimité de sa Vie Trinitaire. L'Esprit Saint, Acteur pincipal dans notre vie, n'est jamais à cour d' « inventions » pour nous éviter de céder à la routine, qui est un risque réel.
Y-a-t'il parfois des disputes entre vous ?
Comme dans toute famille, il arrive qu'il y ait des différences de point de
vue sur telle façon de faire. Chacun a son caractère... Mais cette grande
variété est surtout une richesse humaine. Nous ne sommes pas parfaits.
Une des tâches du Père Abbé est le service de l'unité entre tous les membres de la famille. Les querelles ne vont jamais loin, car ce qui nous rassemble est beaucoup plus fort : l'Amour du Christ. Ce qui nous unit est plus fort que ce qui pourrait nous diviser. Nous sommes tous complémentaires et formons une seule et vraie famille.
Est-ce que votre vie est difficile ?
Toute vie est une lutte, parfois contre soi. On n'entre pas au monastère pour échapper à la souffrance et aux épreuves que
comporte toute vie, mais pour porter sa croix à la suite de Jésus et participer au mystère de la Rédemption. Au niveau de l'observance de la Règle, notre vie est adaptée à une santé ordinaire, mais elle ne flatte pas la nature et il y a toujours possibilité de faire davantage que ce qui est prescrit... La radicalité des voeux de religion suppose des renoncements effectifs qui peuvent être plus sensibles à certaines périodes. La continuité dans l'effort du combat spirituel peut être difficile à surmonter. L'absence de résultats visibles, dans une vie de foi contemplative, peut être une peine sensible pour des tempéraments soucieux de rendements et d'efficacité. Mais tout cela n'est pas comparable avec la joie que l'Esprit-Saint répand dans le coeur de ceux qui ont tout quitté pour suivre le Christ. Saint Thérèse d'Avila disait: « Qui possède Dieu a le meilleur ! ».